Le Grand Meaulnes paraît le 6 novembre 1913, Du côté de chez Swann le 14. Tous les deux sont des romans singuliers, inclassables qui défient les catégories traditionnelles, dans la définition même du genre romanesque, dans la perméabilité des composantes : la composante poétique recouvre de son voile ce qui n'est plus qu'apparence de roman. La guerre décidera du destin des deux oeuvres, pour toujours dans le cas d'Alain-Fournier, de façon transitoire pour Proust. Cette double célébration, co-organisée par Mireille Naturel et Agathe Corre-Rivière, petite-nièce d'Alain-Fournier, s'est déroulée à Illiers-Combray en deux temps, novembre 2013 (« 1913 : la transgression des genres ») et novembre 2014 (« 1914 : la guerre et ses enjeux »).
C'est évidemment à dessein que recherche trouve place dans le titre, et Proust, via le narrateur, montre, l'aisance d'un authentique chercheur. Le roman, écrit Jean-Yves Tadié, « flotte entre deux eaux, porté par le mouvement de marée de la recherche, de la pensée interrogative » : « l'idée de ma construction ne me quittait pas un instant » lui répond le narrateur. La Recherche porte en soi une complexité peu banale : dans son architecture ; dans ses formes linguistiques étendues plus loin qu'il ne semble ; dans l'inépuisable matériau constitutif dont pas une pièce n'est convoquée sans dessein, y compris celui des sciences dont la fonction dépasse l'information : des sciences qui modélisent le propos, et dont on ne trouvera guère d'exemple dont la justification soit autre ; par exemple la description du déplacement au moyen d'une optique singulière, la multiplicité du temps, ou celle de l'oeuvre en cours comme totalité cosmique. La question d'une relation entre science et littérature ne se pose pas vraiment chez Proust, tant le résultat de l'écriture est celui d'une performance poétique sans faille, sans artifice, jamais lasse.
L'année 1919 voit la consécration de Marcel Proust, avec la publication d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs et l'attribution du prix Goncourt. Proust, plus âgé que ses concurrents, n'a pas fait la guerre, et le couronnement de cet écrivain fortuné - plutôt que le favori Roland Dorgelès pour Les Croix de bois - est ressenti comme une insulte par les anciens combattants, qui engagent une violente polémique.
Sont ici réunis pour la première fois cent quatre-vingt-seize articles, du simple écho au feuilleton, du billet de complaisance à l'éreintement, du reportage au pamphlet, révélant la richesse et la vivacité de la presse de 1919. Car il ne s'agit pas seulement de critique, mais plus souvent de politique, de satire, de controverses qui témoignent du rôle que joue alors la littérature dans la vie intellectuelle de la France.
Si Marcel Proust est un auteur éminemment visuel, les couleurs hantant plusieurs endroits du texte - même les plus éloignés de toute description : c'est que l'écrivain les utilise surtout en tant qu'outil de réflexion esthétique. En fait, Bergotte mourant qui médite sur les multiples couches de couleur chez Vermeer songe aux résultats manqués de son style.
À l'époque de Proust, la définition du chromatisme se situe au croisement de différents domaines : de la science à la critique d'art, des expositions de peinture à la méditation philosophique. De même, pour le héros de la Recherche, percevoir les teintes signifie d'une part s'initier à la plénitude du réel ; mais, de l'autre, celles-ci jalonnent son parcours souvent incertain vers sa vocation artistique. Enfin, le rendu chromatique trouve une nouvelle vie en se dissimulant dans une écriture composite, fondée sur la synesthésie. De cette dissolution ressort toute la souplesse d'un élément puissant, synthétique et paradoxal : la couleur.
On a souvent confondu la pensée profonde de Proust sur la question du réel avec ses réflexions sur la relativité des sentiments, le caractère trompeur de la sensation ou la platitude des événements. Cette approche négative est pourtant contrebalancée, tout au long d'À la recherche du temps perdu, par une redéfinition radicale des notions de réalité et de sensible. Revalorisées d'un point de vue tant théorique que romanesque, elles se révèlent être l'origine et le terme de la vocation littéraire.
Proust ou le réel retrouvé s'attache à montrer comment l'écrivain substitue aux notions de matière, de fait brut, d'objet, celles de « sillon », de « réseau » ou de relation entre le moi et le monde. Dans cette nouvelle approche du réel, qui annonce celle qu'opèrera, quelques décennies plus tard, un philosophe comme Merleau-Ponty, la profondeur joue un rôle majeur : elle caractérise l'ensemble de la réalité, du temps à la psyché, des spectacles sensibles à la vie sourde du corps. Au coeur de l'activité de l'artiste, comparé à un « plongeur », elle définit aussi un style fondé sur le procédé de la surimpression. Proust renouvelle ainsi la problématique de la référence littéraire en découvrant l'entrelacement du langage, du fantasme et de la sensation dans l'accès à « la réalité telle que nous l'avons sentie ».
Aborder la Recherche par le biais de la ponctuation - tout particulièrement les parenthèses - apparaît a priori comme un choix saugrenu : un si petit point d'entrée pour une oeuvre si vaste ! Telle est cependant la gageure que se propose de tenir cet essai qui considère tant le signe de ponctuation - les parenthèses - que la figure de rhétorique, la parenthèse. Des ajouts en étendue aux ajouts en profondeur, de la parenthèse kaléidoscopique à la parenthèse stéréoscopique, les parenthèses apparaissent comme les coutures apparentes d'un texte qui se présente comme recousu : l'efficace du signe dans l'oeuvre est en effet de tisser dans le dessin même du texte une impossible continuité. La parenthèse est ainsi portée au rang de figure proustienne majeure, au même titre que la métaphore et la réminiscence.
Le parcours choisi, qui redessine les frontières de la stylistique, traverse les contrées de la linguistique et de la littérature, en passant par les domaines de la grammaire, de la rhétorique, de la narratologie, de la poétique, de la théorie littéraire et de l'esthétique. L'approche stylistique voit ainsi un simple signe de ponctuation - un point d'ancrage minuscule mais tangible et irréductible - ouvrir sur de vastes perspectives esthétiques, faisant par là même justice du mépris dans lequel est encore trop souvent tenue la ponctuation. Cette démarche résolument stylistique (car elle se fonde sur un élément formel non directement interprétable, à la différence de la métaphore par exemple) est dans le même temps éminemment proustienne, tant l'esthétique de Proust, qui lie « beauté grammaticale » et « vision du monde » est consubstantielle à cette approche.
De multiples plaisirs sont présents dans À la recherche du temps perdu. Ils sont importants pour les personnages en ce que, bien souvent, ils dirigent leur vie, mais aussi parce qu'ils participent à la constitution de portraits : observer les plaisirs d'un personnage permet de le peindre. L'importance du plaisir dépasse le niveau individuel pour atteindre celui du récit. Malgré une présence qui tend à l'omniprésence, le plaisir peine à être vécu au présent par des personnages qui le conjuguent plus facilement au passé ou au futur, et en ont une image très négative. C'est que les sens ne sont pas aptes à véhiculer le plaisir, et n'apportent que culpabilité, punition et déception. Il faut alors explorer d'autres voies : apparaissent artifices et perversions, qui finissent aussi par échouer à procurer un plaisir pur. Le héros proustien le trouve dans l'imaginaire, notamment la création littéraire. Paradoxalement, de l'échec du plaisir vient la fertilité créatrice.
Proust souhaitait bâtir son roman comme une cathédrale. Et il est avéré que des spécialistes comme John Ruskin ou Émile Mâle l'ont influencé. Mais le présent ouvrage, à la lumière de cette autre forme artistique qu'est l'architecture, tente de jeter des ponts avec des créations plus contemporaines, comme celles de Frank Lloyd Wright ou Le Corbusier entre autres, qui placent ainsi l'écrivain dans une perspective moderniste. Toujours est-il que l'architecture, tant civile que religieuse, qu'elle soit extérieure ou intérieure, que les jardins ou les gares, les églises, les chambres, les escaliers ou les vestibules, sont autant de jalons dans la quête du sens final du roman. Ces éléments architecturaux guident en effet le héros tout au long de son cheminement qui a tout d'un parcours initiatique, semblable à celui du pèlerin qui franchit les différents espaces d'une cathédrale, du parvis jusqu'au choeur.
Ce volume se propose de continuer à tracer le cercle qui a entouré Proust. Cet homme qui passe pour un solitaire, un reclus enfermé dans une chambre tapissée de liège, a eu d'innombrables relations et de nombreux amis. Faire leur portrait est d'abord rendre justice à ceux qui ont soutenu le créateur d'une oeuvre géniale. C'est aussi montrer comment ils l'ont inspirée, quitte à y figurer involontairement. C'est enfin comprendre un peu mieux l'écrivain, sur lequel chacun a eu un point de vue particulier, dont il a emporté une image différente. Dix-huit personnages en quête d'auteur, à chacun sa vérité.
Lors du second séjour à Balbec, l'auteur ajoute tardivement la rosace de Rivebelle, qui fait partie du leitmotiv des épines blanches et roses, comme vérité centrale du livre-cathédrale à construire. Dans cette image méta-discursive consiste la figure emblématique susceptible d'étudier l'influence de la peinture d'avant-garde sur l'esthétique de Proust et son évolution du classicisme moderne vers un modernisme ou une modernité beaucoup plus prononcés. L'adoption de cette perspective éclaire le choix du titre La rosace de Rivebelle, référence aussi bien à la remarque d'Aristote à propos des couleurs : « celui qui jetterait au hasard les couleurs les plus belles ne charmerait jamais la vue comme celui qui a simplement dessiné une figure sur un fond blanc », que clin d'oeil au tableau Carré noir sur fond blanc d'un des pionniers de l'art moderne Malevitch. Cette étude s'est attachée à mieux déterminer la place d' À la recherche du temps perdu dans le champ littéraire de son époque.
Les écrits de presse de Marcel Proust, plus que de simples exercices préparatoires au roman, sont des textes amplement insérés dans les divers supports périodiques où ils ont été d'abord publiés. À travers une étude qui associe analyse du discours, analyse du support et éléments intertextuels, la présente recherche investigue le dialogue incessant entre la participation de Proust dans la presse et le contexte médiatique qui l'entoure. Pour ce faire, Yuri Cerqueira dos Anjos propose un argument organisé autour de trois éléments principaux : l'ethos, la poétique et l'imaginaire médiatiques.
La fête, la guerre : alors que tout semble opposer ces deux thèmes d'À la recherche du temps perdu, cet ouvrage s'applique à montrer leurs affinités profondes et le rôle structurant qu'ils jouent dans l'oeuvre de Proust. Moments de suprême intensité et de plongée dans l'inconnu, épisodes perturbants et révélateurs, les fêtes (amoureuses, mondaines, artistiques et familiales) marquent les temps forts du parcours d'apprentissage du narrateur de la Recherche. La guerre est quant à elle envisagée comme une vaste fête macabre qui bouleverse irrémédiablement la société du roman et qui exacerbe les failles de la mythologie nationale de la jeune IIIe République, que l'oeuvre prend en écharpe. En faisant dialoguer À la recherche du temps perdu et les théories anthropologiques de la fête, cette étude pose un regard original sur les scènes les plus célèbres du roman, parmi lesquelles le coucher sans baiser maternel, la rencontre avec Gilberte Swann, les bombardements nocturnes sur Paris et la matinée chez la princesse de Guermantes.
La relation entre Proust et Anatole France est restée longtemps sous-estimée par une postérité qui a glorifié le premier à l'heure où le second tombait dans l'oubli. Elle apparaît cependant comme particulièrement riche en même temps qu'ambiguë. En effet, elle repose sur une forme de magistère déterminante quant à la genèse de l'oeuvre proustienne, tout en posant de façon particulièrement frappante le problème du dépassement nécessaire des influences de jeunesse dans le processus d'évolution qui mène Proust à la maturité du créateur.
Ce n'est pas par hasard que le terme de fleur figure dans le titre du volume qui a obtenu le prix Goncourt 1919. À la recherche du temps perdu est irisé par d'innombrables images florales profondément enracinées dans la philosophie esthétique de l'auteur. Alors que les fleurs appartiennent à la réalité tangible, faisant appel aux sens, elles ont aussi des soeurs imaginaires reproduites dans diverses oeuvres d'art. Or le péché d'idolâtrie consiste à recourir aux interprétations de grands maîtres pour contempler la nature. C'est au cours de la traduction de La Bible d'Amiens qu'apparaît la définition de ce penchant intellectuel qui est, selon Proust, propre à Ruskin. Pendant les années consacrées à son roman il se bat sans cesse contre cette influence afin de pouvoir aimer avec sincérité la beauté des fleurs. Il produit des pages inspirées par des peintres impressionnistes qu'ignorait Ruskin, mais souhaite avant tout une plume qui exprime mieux qu'aucun pinceau les sensations subtiles et éphémères. Les remaniements divers procèdent par tâtonnements dans ses manuscrits. Cette préparation longue et complexe aboutit à la construction de l'univers poétique que lui seul pouvait réaliser.
« Tout le malheur des hommes vient de ne pas se savoir renfermer dans une chambre » : telle est la phrase bien connue de Pascal citée par Proust dans une lettre à Reynaldo Hahn de 1906. Trois ans plus tard, il écrit à son ami Antoine Bibesco : « ma vie solitaire m'a permis de recréer par la pensée ceux que j'aimais ». La chambre est le lieu central des souvenirs, des rêveries, de la représentation de l'univers et plus fondamentalement de l'acte créateur. C'est pourquoi il convient d'étudier chronologiquement la description des chambres et de l'ameublement, depuis les oeuvres de jeunesse jusqu'à la Recherche du temps perdu, en la replaçant dans son contexte littéraire et culturel.
Colloque franco-japonais, Université de Kyoto, 10 et 11 décembre 2016. Sous la direction de Yuji Murakami et Guillaume Perrier.
Chez Proust, l'acte critique ne se limite pas à un genre littéraire - qu'il a pourtant pratiqué dans ses nombreux articles, comptes rendus, préfaces, notes ou pastiches - mais se dissémine dans toute l'oeuvre, comme une visée particulièrement efficace de la conscience créatrice. La réflexion sur la littérature et les arts devient ainsi un puissant moteur de la création. En donnant à réfléchir sur l'acte critique de Proust dans ses diverses manifestations, aussi bien heuristiques que créatrices, ce volume offre un large éventail de la critique proustienne franco-japonaise.
Problématiser la question de la critique chez l'auteur de À la recherche du temps perdu, explorer les différentes modalités du rapport entre littérature et critique, analyser la relation de l'oeuvre littéraire avec les autres arts - peinture, architecture, musique ou encore calligraphie - : telle est l'ambition qui réunit ici les travaux de seize chercheurs.
Proust a pratiqué dans toute son oeuvre une écriture cryptée. Il use largement d'allusions à des oeuvres littéraires. On reconnaît la scène « alludée » à des détails peu visibles mais insérés à dessein et proposés à la lecture ; les manuscrits montrent que ces détails varient souvent au cours de la genèse. Ainsi apparaissent dans l'oeuvre proustienne des scènes réécrites, parfois pastichées, venues de Balzac, de Stendhal, de Nerval, de Tolstoï. Cette technique de l'allusion implique une forme de jeu littéraire avec le lecteur (mais quel lecteur ?) ainsi que des prises de position critiques. Apparaissent aussi des allusions à des contemporains de l'auteur, dont beaucoup restent sans doute à identifier. Les événements cryptés peuvent être douloureux, comme l'affaire Dreyfus, tandis que des procédés comparables permettent à Proust d'évoquer les Ballets russes et leurs artistes novateurs. Enfin de nombreuses allusions relèvent de l'autobiographie ou plutôt de l'autofiction puisque l'auteur ne souscrit aucun pacte biographique. Ce livre tente d'analyser les modes de cryptage et de mettre au jour quelques-uns des fragments de récit qui forment la doublure du texte.
« Vivre, les serviteurs feront cela pour nous », dit Axël, héros éponyme de la pièce de Villiers de l'Isle-Adam. Une telle parole ne se serait jamais échappée de la bouche de Marcel Proust, qui avait besoin de leur présence pour vivre au plan matériel mais aussi pour vivre « la vraie vie » qu'est la littérature. Aussi était-il sensible à la présence d'êtres « humbles » chez d'autres écrivains. Cette recherche centrée sur le thème de la servante analyse les traces de dissémination des imaginaires et des styles dans À la recherche du temps perdu, à partir des oeuvres de Charles Baudelaire, Alphonse Daudet, Gustave Flaubert, Anatole France, des frères Goncourt, de Joris-Karl Huysmans, Pierre Loti, Anna de Noailles et John Ruskin.
Chacun connaît l'épisode de la madeleine, mais comment désigner ces expériences qui jalonnent " la vocation invisible " dont la Recherche est l'histoire et comment interpréter l'esthétique qu'elles illustrent ? La mémoire involontaire ne suffit pas à appréhender la diversité des formes et des appellations et ni à définir " la vraie vie ". Au travers des textes de jeunesse, des brouillons et de la correspondance, cette enquête génétique reconstitue la chronique de la pensée esthétique de Marcel Proust pour saisir ce que sont pour lui la littérature et ces instants singuliers auxquels aucune étude d'ensemble n'avait encore été consacrée. Derrière la (trop) célèbre madeleine se cache l'histoire de la pensée d'un homme qui est aussi celle d'un saut épistémologique au sens que Foucault donne à ce terme.
Chercheur associé au sein de l'équipe Proust de l'ITEM - CNRS, Jean-Marc Quaranta s'intéresse à la genèse des textes et à ce qu'elle enseigne sur l'écriture et la biographie. Il a consacré de nombreux articles à la philosophie de Marcel Proust et travaille également sur Alfred Agostinelli, chauffeur et secrétaire de l'écrivain, principal modèle d'Albertine.
C'est d'abord en raison de l'importance accordée au phénomène de la mémoire involontaire que Simon reconnaît en Proust un précurseur. Celle-ci confère en effet un rôle inédit à la description et bouleverse en profondeur le genre romanesque. Puis sous l'influence du contexte littéraire du nouveau roman des années 1970, l'auteur de la Recherche est vidé de son contenu psychologique et assimilé à la théorie des ensembles. Il devient un générateur textuel, un modèle de composition scripturale. Enfin, renouant avec l'écriture de l'intime et l'illusion romanesque, c'est encore Proust que Simon rencontre en chemin, ce " grand révolutionnaire ", selon le mot même de Claude Simon. Cette étude signale la place de premier plan qu'a occupée Proust dans l'oeuvre de Simon, en s'appuyant sur les textes des deux auteurs mais aussi sur les entretiens accordés par le nouveau romancier aux journalistes.
Laurence Cadet a obtenu un doctorat de littérature française auprès de l'Université Paris III-Sorbonne Nouvelle en 2004 pour une thèse intitulée : La filiation proustienne de Claude Simon. Certifiée de lettres modernes, elle a enseigné à l'Université de Rennes II-Haute Bretagne et à l'Université Catholique de l'Ouest. Elle est actuellement professeur au Lycée d'Avesnières à Laval.
Cet ouvrage se propose d'étudier l'interprétation des signes corporels dans la Recherche comme une technique narrative, qui emprunte beaucoup au roman du XIXe siècle, mais ne se limite plus à un simple instrument de construction du personnage. L'herméneutique du corps aboutit au contraire à une mise en doute du " caractère " et des manifestations physiques de l'intériorité, et cette position interrogative, qui fait du corps un secret dont l'élucidation n'est pas toujours garantie, favorise la progression de l'intrigue. Elle alimente aussi une réflexion sur l'incarnation des idées dans le sensible, mais cet enjeu esthétique ne fait pas l'objet d'un retour théorique, précisément parce que le " langage du corps " reste un instrument strictement romanesque, qui permet d'éviter les dangers du didactisme et du roman à thèse.
« Il y avait des jours où le bruit d'une cloche qui sonnait l'heure portait sur la sphère de sa sonorité une plaque si fraîche, si puissamment étalée de mouillé ou de lumière, que c'était comme une traduction pour aveugles, ou, si l'on veut, comme une traduction musicale du charme de la pluie, ou du charme du soleil. » (La Prisonnière) Pour le narrateur d'À la recherche du temps perdu, le son traduit ; par ailleurs, il définit la tâche de l'écrivain comme celle d'un traducteur. Se dessinent dès lors, entre sonorité et langage littéraire, un parallèle étroit mais aussi un mince écart, de sorte qu'un point de fuite s'inscrit dans le texte : l'écrivain traduit une sonorité déjà elle-même traduction. Que faire de toutes ces strates de son quand on cherche à les rendre dans une langue autre que le français ? Que révèle la pratique de la traduction de la façon dont Proust pense le rapport entre sonorité et langage ? Telles sont les questions abordées par les articles ici rassemblés, avec une attention particulière accordée aux traductions vers la langue anglaise.
Sous la direction de Emily Eells et Naomi Toth.
Tous les lecteurs de la correspondance et de la biographie de Marcel Proust le savent, la quantité de ses amis, leur diversité est considérable. Ce contempteur de l'amitié a su s'assurer l'affection, la fidélité d'hommes et de femmes appartenant à toutes les classes et à tous les milieux sociaux. Grâce à ce cercle, la renommée d'un Proust encore peu connu s'étendait de bouche à oreille. Grâce à lui, il était soutenu comme le leader d'une équipe du Tour de France par ses coéquipiers, qui se dévouaient jour et nuit pour lui. Tous ces visages méritent d'être ressuscités pour mieux comprendre Proust, sa vie, son oeuvre, son temps. Certains ont beau être contre Sainte-Beuve : lorsqu'il avait recréé « Chateaubriand et son groupe littéraire », il ne s'était pas trompé.