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Gallimard
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Vingt ans après le pauvre coeur des hommes, l'un des derniers romans de natsume sôseki, paraît enfin, dans une excellente version due au japonologue jean cholley, l'ouvrage qui d'emblée lui valut la célébrité : je suis un chat.
Mort en 1916 à quarante-neuf ans, il vécut aux confins de la psychose la déchirure dont pâtirent tous les intellectuels nés avec la révolution industrielle, politique et culturelle du meiji.
Formé aux lettres classiques chinoises, au haïku, mais envoyé en angleterre de 1900 à 1903 pour pouvoir enseigner ensuite la littérature anglaise, il s'imprégna si profondément du ton de swift, de sterne et de de foe que, sans nuire à tout ce qu'il y a de japonais dans je suis un chat, cette influence nous impose de penser au voyage de gulliver chez les houyhnhnms ; sans doute aussi d'évoquer le chat murr d'hoffmann.
C'est pourquoi le traducteur peut conclure sa préface en affirmant que je suis un chat " suffit amplement à démentir l'opinion si répandue selon laquelle les japonais manquent d'humour ". ni hegel, ni marx, ni darwin, qu'il a lus, ne lui ont fait avaler son parapluie.
La gouaille, voire la désinvolture apparente, n'empêchent pas les chapitres de s'organiser, cependant que tous les styles (jargon des savants ou du zen, ou argot d'edo, ancien nom de tokyo) se mêlent pour présenter la satire désopilante d'une société en transition, et même en danger de perdition.
Kushami-sôseki se demande parfois s'il n'est pas fou, mais c'est la société d'alors qui devient folle, elle qui déjà enferme en asile ceux qui la jugent. le chat ne s'y trompe jamais, lui : aucun ridicule n'échappe à ce nyctalope. alors que peut-être on en devrait pleurer, on rit follement. si vous voulez comprendre le japon, identifiez-vous au chat de soseki. sur un autre registre, vous retrouverez le meiji de la sumida, le chef-d'oeuvre de nagaï kafû.
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La déchéance d'un homme
Osamu Dazai
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 10 Octobre 1990
- 9782070720880
«Je suis devenu bouffon. C'était mon ultime demande adressée aux hommes. Extérieurement, le sourire ne me quittait pas ; intérieurement, en revanche, c'était le désespoir.» Ainsi se présente Yôzô, né dans une famille riche du nord du Japon, qui veut être peintre, abandonne ses études au lycée de Tôkyô pour travailler dans des ateliers, mais s'initie plus vite au saké et aux filles qu'au dessin et à la peinture. D'amours malheureuses en amours malheureuses, après n'avoir été qu'un médiocre caricaturiste de revues de second ordre, il échoue à vingt-sept ans, malade, tel un vieillard, dans une vieille chaumière, irréparable d'où il rédige l'histoire de sa vie, «vécue dans la honte», et alors qu'il ne connaît plus désormais ni le bonheur ni le malheur.
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Le Tao-to king, «livre sacré de la Voie et de la Vertu», réconcilie les deux principes universels opposés : le yin, principe féminin, lunaire, froid, obscur qui représente la passivité, et le yang, principe masculin, qui représente l'énergie solaire, la lumière, la chaleur, le positif. De leur équilibre et de leur alternance naissent tous les phénomènes de la nature, régis par un principe suprême, le Tao. «Tout le monde tient le beau pour le beau, c'est en cela que réside sa laideur. Tout le monde tient le bien pour le bien, c'est en cela que réside son mal.» Le texte fondateur du taoïsme.
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Dans une traduction extrêmement élégante d'andré beaujard, nous présentons au lecteur français un des plus beaux livres de la littérature japonaise, les notes de chevet de sei shônagon.
Composées dans les premières années du xie siècle, au moment de la plus haute splendeur de la civilisation de heian, au moment où kyôto s'appelait heiankyô, c'est-à-dire " capitale de la paix ", par une dame d'honneur, sei shônagon, attachée à la princesse sadako, laquelle, mourut en l'an 1000, les notes de chevet appartiennent au genre sôshi, c'est-à-dire " écrits intimes ". avec les heures oisives de urabe kenkô et les notes de ma cabane de moine de kamo no chômei, les notes de chevet de sei shônagon proposent, sous forme de tableaux, de portraits, d'historiettes, de récits, une illustration du japon sous les fujiwara.
Avec l'auteur du roman de genji, noble dame murasaki, sei shônagon est une des plus illustres parmi les grands écrivains féminins du japon. si l'auteur du roman de genji est constamment comparé, dans son pays, à la fleur du prunier, immaculée, blanche, un peu froide, sei shônagon est égalée à la fleur rose, plus émouvante, du cerisier. ceux qui liront, nombreux nous l'espérons pour eux, les notes de chevet sont assurés de découvrir un des plus beaux livres jamais écrits en langue japonaise, et qu'une introduction et des notes leur permettront de goûter dans le plus intime détail, y compris tous les jeux subtils sur les mots.
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La centurie : poèmes amoureux de l'Inde ancienne
Amaru
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 4 Novembre 1993
- 9782070736010
L'Amarusataka - la «Centurie» ou, comme l'on traduit parfois, les «Centons d'amour» d'Amaru, un poète peut-être cachemirien d'expression sanskrite - daté généralement du VII? siècle de notre ère, est un texte essentiel de la poésie savante d'inspiration érotique, l'un des plus beaux du patrimoine poétique sanskrit. Une centaine de strophes extrêmement concises et denses évoquent l'expérience amoureuse, chaque poème constituant le tableau autonome d'une situation, d'un moment émotif.Poèmes en archipel, exploitant les potentialités de la tradition élaborées par la dramaturgie (les commentateurs se plaisant à reconnaître les différents types de personnages et de situations), poèmes où tout est signe : regards, mouvements de sourcils, abeilles volant autour des fleurs de manguiers... Mais la séparation et ses peines, les disputes, les tristesses sont aussi des étapes sur la voie de l'accomplissement - car c'est bien de cela qu'il s'agit : l'inspiration délibérément érotique et profane se présente ici comme analogue en essence à la voie ascétique, et la réalisation appartient aussi aux amants qui maîtrisent le code amoureux qu'à ceux qui savent déchiffrer le jeu divin.
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Anthologie des mythes et légendes de la Chine ancienne
Collectif
- Gallimard
- Connaissance De L'orient ; Serie Chinoise
- 18 Mai 2023
- 9782072992803
Assis sous le grand arbre de mémoire, ils nous disent cent récits à leur façon. De Chine et d'autres routes orientales, les conteurs ont su venir à nous avec leurs mots comme une fête.Ils parlent de la Mer, aux marches des Principautés centrales, qu'un oiseau n'en finit pas de combler, de la Lune qu'habite le lièvre d'immortalité, du Soleil qu'on dit hanté par un corbeau, d'îles plus vertes qu'un songe et d'autres choses plus étranges encore.Les lettrés ont transcrit leurs dits ; comme Job, ils demandent des comptes sur l'état du monde. C'est ainsi qu'est le mythe : semblable à un enfant qui, inlassablement, demande pourquoi. Depuis les premiers âges de l'écrit, dont ils avaient la charge, ils n'ont cessé de répondre, parfois dans la contradiction. Mais est-ce assez ? Y a-t-il jamais eu un conte qui étanchât cette soif de savoir ? Et s'agit-il bien ici de savoir ? C'est plutôt la magie de la parole qu'on redemande !Cette mythologie de la Chine ancienne est à l'origine de nombreuses légendes d'autres cultures orientales, c'est ce qui en fait l'importance extrême. Elle fonde aussi la pensée chinoise traditionnelle dont on trouve des traces marquantes jusque chez les auteurs contemporains. L'actualité de cette mythologie, voilà qui n'a pas cessé de nous surprendre !
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Propos, anecdotes, brèves paraboles, maximes, c'est dans les Entretiens qu'on trouve le visage le moins fabuleux de Confucius. Il y a du Socrate en lui, du Montaigne aussi. Maître K'ong séduit par sa bonhomie, une bonne humeur, une générosité, une gentillesse, qui savent concilier la vigueur des principes et les faiblesses des humains. Le politique, le moraliste, le philosophe, c'est dans les Entretiens qu'on peut trouver le premier état de la pensée de Confucius. «Nul écrit, constate Pierre Ryckmans, n'a exercé une plus durable influence sur une plus grande partie de l'humanité.» Les Entretiens sont après deux millénaires le livre central de l'histoire de la Chine.
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Contes de la Montagne Sereine
Anonyme
- Gallimard
- Connaissance De L'orient ; Serie Chinoise
- 18 Mai 2023
- 9782072992834
La collection des Contes de la Montagne Sereine est un ouvrage édité sous les Ming, vers 1550, par un grand bibliophile originaire de Qiantang nommé Hong Pian. Littéralement, il s'agit des contes en langue vernaculaire (huaben) du «cabinet de lecture» ou de la maison d'édition dite «du Mont pur et calme».À partir des Song (960-1279) et pendant les deux dynasties qui suivirent (Yuan et Ming), les conteurs populaires ont en effet produit des contes en langue vulgaire ; après quoi, des lettrés s'efforcèrent de restituer à l'oralité primordiale ses lettres de noblesse écrite. Les huaben devinrent ainsi un véritable genre romanesque, et plus spécialement un genre destiné à la lecture.Nous avons, avec cette rare collection qui nous est parvenue, la chance de posséder un prototype éditorial où se mêlent tous les types de contes : histoires d'amour, histoires démoniaques, histoires criminelles, anecdotes historiques ou religieuses. Des contes qui annoncent les grands romans d'époque par leur ton et leur mode narratif.
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Avec ses contemporains Wang Wei et Du Fu, Li Bai (701-762) est un des plus puissants génies poétiques de l'empire des Tang. Né en Asie centrale, ce marginal, un peu bretteur, quatre fois marié, refusa de se présenter aux concours qui lui eussent ouvert le mandarinat. Mais ni son penchant pour la pensée, voire la religion taoïstes, ni sa connivence avec le bouddhisme ne l'empêchèrent de solliciter les grands : ainsi, du printemps 743 à l'automne 744, partagea-t-il les faveurs impériales à la cour de Xuan-zong. Impliqué, malgré son détachement de «clochard céleste», dans les bouleversements de la révolte d'An Lushan, il connut la prison, l'exil, les ermites, les puissants, les errances, les montagnes et les rivières, le vin surtout.Subsistent plus de mille poèmes de formes variées choisis et classés ici par thèmes dominants : l'amitié, la femme, l'ivresse, etc., annotés pour que rien n'échappe au lecteur de notre langue qu'aura séduit, fasciné, et, disons-le, foudroyé la qualité des poèmes français, rythmés et rimés pour répondre aux structures métriques des originaux.Pour celui qui pensait qu'avec le vin, la poésie, elle seule, pouvait nous faire admettre ce que le ciel et la terre font de notre misérable espèce, qu'est-ce que cent ans, qu'est-ce que mille ans, qu'est-ce que douze cents ans et plus de retard ? Mourir en voulant cueillir un reflet de lune dans l'eau, quelle jolie fable du monde poétique et de la vie de Li Bai !Étiemble
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Rashômon et autres contes
Ryûnosuke Akutagawa
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 13 Octobre 1986
- 9782070707485
Né à Tôkyô en 1892, Akutagawa Ryûnosuke se suicida en 1927. Son aîné d'une dizaine d'années, le grand romancier Shiga Naoya, dit à cette occasion : «Il ne pouvait pas faire autrement». Akutagawa était en effet torturé par diverses maladies : du coeur, de l'estomac, de l'intestin, sans parler de sa neurasthénie. En dépit de ses souffrances et d'une vie si brêve, il produisit près de cent quarante titres. La plupart de ses oeuvres sont des contes... Dès la publication du Nez, en 1916, il fut reconnu comme un maître et obtint l'amitié de Natsume Sôseki, l'auteur du Pauvre coeur des hommes. En un temps (l'ère Taishô, 1912-1925) où les lettres japonaises se partageaient entre naturalisme, décadence et idéalisme, cet homme très cultivé, formé aux lettres européennes, mit sa passion à redécouvrir la technique du récit bref. Violents, étincelants, palpitants mais toujours dominés par un métier parfait, une langue savante et variée, ces contes furent traduits par Arimasa Mori, qui leur consacra dix ans de son travail. On y lira, notamment, une des nouvelles d'Akutagawa qui sont à l'origine de Rashômon, le célèbre film japonais.
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Le pauvre coeur des hommes
Sôseki Natsume
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 12 Mars 1987
- 9782070709243
Quelle vie plus calme en apparence, plus unie, plus heureuse que celle de Natsume Sôseki ? Il naît en 1867 à Edo, l'ancienne Tokyo, étudie l'anglais, enseigne dans les écoles secondaires de 1893 à 1900 et passe en Angleterre trois années à l'issue desquelles on le nomme chargé de cours à l'Université impériale de Tokyo. Son premier roman, Je suis un chat, d'emblée le rend célèbre et lui permet d'entrer au grand quotidien Asahi. Après une existence discrète et retirée, il meurt en 1916.De tous les écrivains qu'a produits l'ère du Meiji, nul n'excerça une influence aussi prestigieuse. C'est que cet ami de l'Occident ne s'était pas coupé de sa propre culture : il s'était nourri des lettres chinoises et formé à la méditation qu'enseigne le bouddhisme zen. Sa vie tout unie cachait une âme douloureuse : obsédé par l'inéluctable «péché qui est sur l'homme», ce solitaire analyse et absout le coeur humain, mais non sans avoir pris sur soi, comme pour l'expier, ce qu'il tient pour l'irrémédiable misère de la condition humaine.Kokoro ou Le pauvre coeur des hommes est le plus représentatif sans doute des romans du Meiji. Du moins fut-il désigné comme tel par le Pen Club japonais. Horiguchi Daigaku et Georges Bonneau l'ont traduit en français. Horiguchi Daigaku, l'un des maîtres du lyrisme japonais, est le traducteur en sa langue d'une centaine d'oeuvres françaises ; Georges Bonneau est l'un de nos plus savants japonisants, celui qui, dans la collection Yoshino, nous révéla tant de poètes japonais.
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Pour les philosophes, les poètes, les gens de goût, voici un livre qui a marqué notre temps, à voir le nombre d'ouvrages de commentaires qu'il a suscités:l'oeuvre de Tchouang-tseu fascine tous ceux qui désirent en savoir plus sur le Tao que ce que nous en dit le Lao-tseu. Ce Tchouang-tseu complet permet de découvrir l'un des cinq ou six philosophes qui ont pensé pour de bon sur la terre depuis que l'écriture existe, un écrivain parmi les plus forts, les plus brillants, les plus poétiques de la Chine. Ainsi pourvu des textes capitaux, tout philosophe, tout poète, tout lecteur pourra s'initier à l'une des philosophies les plus riches de sens sous l'apparent non-sens.
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Contes de pluie et de lune
Ueda Akinari
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 10 Octobre 1990
- 9782070720637
Le meilleur ouvrage de l'écrivain classique japonais Ueda Akinari (1734-1809) est ce recueil des Contes de pluie et de lune. Dans ces histoires fantastiques, le lecteur verra se lever, agir et disparaître toutes les variétés de fantômes. Un mélange savoureux de magie, de poésie et de réalité fait revivre d'un seul coup l'univers familier et enchanté des Japonais d'autrefois.
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Anthologie de la poesie persane - (xie-xxe siecle)
Safa Z.
- Gallimard
- Connaissance De L'orient ; Serie Persane
- 24 Novembre 1987
- 9782070711680
L'Iran, vaincu au VII? siècle par les conquérants arabes, trouve bientôt dans la poésie le moyen d'expression le plus approprié à son génie. Née il y a plus de mille ans, dans le Khorassan, province orientale de l'Iran, la poésie persane s'est développée sans interruption jusqu'à nos jours et, dès le XI? siècle, elle a étendu son influence hors du plateau iranien : aux Indes, jusqu'aux confins de la Chine, d'une part, en Asie Mineure d'autre part. Mariant les souvenirs des littératures préislamiques aux traditions musulmanes, elle constitue l'art le plus achevé de l'Iran islamique.Épique, lyrique, didactique, ample narration ou confidence secrète, légère ou grave, sous toutes ses formes, elle laisse paraître, avec une remarquable constance, une certaine façon de sentir le monde, qui est l'esprit d'un peuple. Associée à tous les moments de la vie, elle est aussi l'organe de la méditation philosophique : c'est dans le langage poétique que les Iraniens ont exprimé leurs idées les plus profondes. Cette poésie, durant des siècles, a enchanté les audiences des princes, comme elle a enflammé les auditoires des mystiques.Tout Iranien, s'il n'est pas poète, sait goûter les vers ; paradoxe significatif : les plus raffinés des poètes persans sont aussi les plus populaires. Beaucoup de morceaux traduits dans le présent volume sont dans toutes les bouches et dans tous les coeurs.Cette anthologie, dont les textes ont été classés par ordre chronologique, s'étend sur un peu plus d'un millénaire et présente les poètes les plus connus en Iran.
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La tradition secrete du no / une journee de no
Zeami
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 23 Octobre 1985
- 9782070705313
Fils et père d'acteurs, acteur et auteur lui-même, Zeami naît au Japon en 1365. Il meurt octogénaire après avoir composé de nombreux nô et, quarante années durant, rédigé de nombreux traités sur son art, afin qu'ils soient transmis secrètement à un homme par génération. Découverts en 1909 après cinq siècles d'occultation, les voici enfin traduits en Occident. L'esthétique du nô, les recettes et les trucs du métier d'acteur nous sont enfin dévoilés. Pour illustrer ces traités, M. Sieffert, à qui nous devons déjà les Contes de pluie et de lune, a traduit également les cinq nô et les quatre farces intercalées qui composent, selon les normes japonaises, une journée de nô automnal. En pesant les mots, nous affirmons que voici l'une des plus importantes contributions de ce siècle au trésor de l'humanisme universel. Outre que les Traités de Zeami nous apprendront enfin à voir et à lire un nô, ils nous aideront à nous purger de la «japoniaiserie» et nous rendront le sens de la vraie dramaturgie. Les jeunes Japonais ont déjà compris : depuis 1945 ils reviennent au nô. Un jour, peut-être, on écrira que le renouveau de la dramaturgie européenne date de 1960, année où M. Sieffert révéla aux Français la tradition secrète du nô. Brecht ? soit ; mais Zeami, comment donc !
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«Qui n'a lu Sacountalâ ?» s'écriait Guigniaut, en 1825, à l'apogée du premier romantisme et du fervent engouement pour l'Inde et ses textes. Qui aujourd'hui a lu Sacountalâ ? Ou plutôt qui pourrait l'avoir lu, sans l'avoir cherché, au hasard des bibliothèques et des bouquinistes, dans l'une de ses traductions du XIX? siècle ou, peut-être, dans l'adaptation qu'en donna Maurice Pottecher, en 1914, pour le Théâtre de Bussang ? Le voici qui s'offre au lecteur, dans un volume qui rassemble toute l'oeuvre dramatique de celui que l'Inde célèbre comme le plus grand de ses poètes.Le théâtre de Kalidasa, c'est trois pièces, c'est-à-dire trois héroïnes, Sakuntalâ, Urvasi, Malavika, toutes figures de l'amour vrai, absolu, triomphant des obstacles, infrangible. Que le héros l'oublie et la méconnaisse, qu'il se laisse distraire l'espace d'un instant par la beauté d'une autre, qu'il tremble devant la reine en titre, l'héroïne demeure inébranlable et sûre de son amour, dût-elle comme Sakuntala demeurer sept années à attendre son époux. Un amour qu'elle partage avec l'univers entier, car, autour d'elle, tout s'y abandonne comme à un principe universel et supérieur : hommes, dieux, bêtes, plantes, rivières et montagnes.Il n'est rien, en effet, que n'évoque ce théâtre : grandi par le mythe et par l'histoire auxquels il emprunte, il montre sur la scène le ciel et la terre, l'alliance des dieux et des mortels, la communion de l'homme et de la nature ; et proclame l'unité du monde. Esthétique fusionnelle où romantiques et symbolistes, jusqu'à Claudel, aimeront à se reconnaître.Y répond l'unité de l'oeuvre : loin d'être une simple collection de textes autonomes, Le théâtre de Kalidasa est un ensemble qu'un réseau de correspondances et de motifs récurrents constitue en système dramatique. Il trace une sorte de comédie humaine, traversée certes par les dieux, mais humaine avant tout, où s'illustre la race lunaire qui culmine en Bharata, le fils de Dus.yanta et de Sakuntala, l'ancêtre éponyme des cousins ennemis du Mahabharata, le héros où s'incarnent les origines de l'Inde et de son peuple.
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Aucune anthologie de la littérature japonaise ne peut négliger ce livre à la fois si primitif, si raffiné, si malaisé à classer selon notre notion de genre. Contes, si l'on veut, et c'est bien l'un des sens du mot japonais «monogatari» («Ise monogatari») ; mais si brefs et si peu marqués d'intrigue que les poèmes (les tanka) qui les ornent en deviennent comme l'essence et l'essentiel. Impossible de comprendre la littérature japonaise, et la plus moderne (disons, celle des «short-short» japanglaisants), si l'on ne connaît pas ces contes poétiques d'auteur inconnu et qui datent du X? siècle. Peu nous importe que l'on attribue à Narihira une part de ces histoires. Ce qui nous importe en revanche, c'est la qualité d'une traduction due au général Renondeau, mais revue après la mort de celui-ci par M. Bernard Frank à qui nous devons, également admirables, les Chansons de Narayama et les Histoires qui sont maintenant du passé. Grâce à eux, vous goûterez une préciosité en effet à certains égards primitive, un sentiment de l'amour singulièrement libre et pudique.
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Le suicide et le chant ; poésie populaire des femmes pashtounes
Sayd bahodine Majrouh
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 3 Juin 1994
- 9782070736003
Dans les vallées afghanes, dans les camps de réfugiés du Pakistan, les femmes pashtounes improvisent des chants d'une extrême intensité, d'une foudroyante violence. D'où le nom de landay qui les désigne et qui signifie : «le bref». Cette forme poétique limitée à deux vers compose en fait un instantané d'émotion, à peine plus qu'un cri, une fureur, un coup de dague entre les épaules. Car ce poème très scandé dit l'amour, l'honneur ou la mort et toujours, à travers ces trois thèmes, toujours la révolte. Jamais sans doute si courte vocalise n'a autant révélé sur l'inhumaine condition de la femme en Islam, sur l'oppression qui la réduit à l'état d'objet domestique et l'asservit au code infantile des hommes. Privée de toute liberté, brimée dans ses désirs et son corps, la femme pashtoune n'a d'autre échappée possible que le suicide ou le chant...
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Anthologie de la poésie turque (XIII-XX siècle)
Collectif
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 3 Novembre 1994
- 9782070739806
Au début était le verbe poétique, populaire puis savant, mais animé de siècle en siècle par la même intarissable vigueur ; fleurissant d'abord dans les hymnes de clans chantés par les bardes, éclosant spontanément aux lèvres des humbles et des simples en chansons de souffrance, de révolte ou de joie, que transportaient et répandaient, comme pollen au vent, les poètes errants, les mystiques et les fous - ou ceux qui se donnaient pour fous afin de mieux jeter, pas toujours impunément, leur chant à la face des puissants. Jaillissement perpétuel, irrépressible et ardent, issu de la bouche de ces êtres hors du commun, hors normes, de ces parfaits hors-la-loi que sont les poètes, ces fols, ces sages : les thèmes éternels sont leur inspiration, leurs chants et ballades, leur respiration, la musique simple et grave du saz les accompagne, la mémoire du peuple est leur meilleur conservatoire. Plus tard, s'élaborera la poésie classique, celle du Divan, de la cour, marquée d'influence arabe, adoptant des formes multiples et sophistiquées : poésie travaillée, recherchée, capricieuse, aux métamorphoses ingénieuses et aussi nombreuses que celles de la calligraphie islamique. Ces recherches se poursuivent et évoluent jusqu'aux formes modernes et au vers syllabique ou libre... Voici, présentée et poétiquement traduite par Nimet Arzik, une poésie survivante et vivante, surprenante et prenante, dont les siècles passés n'ont en rien atténué la charge ni la grâce.
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Le chevalier a la peau de tigre
Chota Roustaveli
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 25 Mai 1989
- 9782070716449
Roustavéli serait né dans le village de Roustavi dans la province de Meskhétie, en Géorgie pontique. Il aurait vécu dans la seconde moitié du XII? siècle et au début du XIII? siècle, et serait donc à peu près le contemporain de Bernard de Ventadour et de Chrétien de Troyes. Selon la tradition, il aurait été un haut personnage de la cour, voire un ministre de la reine Thamar. Ayant conçu un amour sans espoir pour sa souveraine, il aurait été, pour cette raison, écarté de la cour et banni du royaume. Il semble en tout cas que Roustavéli ait achevé ses jours loin de sa patrie, dans le monastère géorgien de la Sainte-Croix à Jérusalem, où il serait enterré ainsi que le laissent supposer une fresque et une inscription murale portée sur un pilier de ce couvent.
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Le yoga, dont nous sommes si justement curieux mais si légèrement férus, pourrait bien remonter à la civilisation de Mohenjo-Daro, au monde protodravidien. Les Aryens qui envahirent l'Inde voilà près de quatre mille ans eurent donc à compter avec ce yoga archaïque, individualiste, opposé aux principes des Veda, selon qui le salut s'obtient en accomplissant d'abord scrupuleusement tous les devoirs d'état et peut-être même d'État. Accepter le yoga, c'eût été, notamment, répudier le système des castes.Éclairés par une substantielle introduction, qui élucide l'histoire et le contenu de la notion, les Upanishads du yoga se présentent comme des poèmes spéculatifs et didactiques rédigés en s'loka (strophes de quatre octosyllabes un peu lâches de facture).L'essentiel ici n'est pas la métrique, évidemment, mais les idées, la méthode : l'ensemble des techniques permettant de trancher les liens qui retiennent l'âme captive. Cet oiseau migrateur souffre en captivité. On suivra avec profit le cheminement qui conduit du retrait des sens à la conrtemplation, de celle-ci au recueillement parfait, avant d'atteindre à l'autonomie absolue.
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Nous sommes dans le Japon du début du siècle, un Japon ouvert depuis deux ou trois décennies à peine aux influences occidentales et que sa victoire dans la guerre qui l'a opposé à l'Empire russe a hissé, à la surprise générale, au rang des grandes puissances. Un jeune provincial «monte» à la capitale pour y poursuivre ses études supérieures. Il a tout à découvrir : la ville, l'Université, l'amitié, l'amour... mais il est encore tellement marqué par le système de valeurs traditionnel qui règne dans le Japon profond d'où il est issu !
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Vie d'une amie de la volupté
Saikaku Ihara
- Gallimard
- Connaissance De L'orient
- 24 Novembre 1987
- 9782070711666
Après Cinq amoureuses d'Ihara Saikaku (1642 ? - 1693), rénovateur et virtuose du haïkaï, rénovateur également de la prose japonaise au siècle d'Ôsaka et de la bourgeoisie marchande, voici l'autobiographie d'une femme, une vieillarde lucide qui se raconte à deux jeunes gens : pour avoir aimé au-dessous de sa condition (elle était de souche noble), elle vit périr son amant. On la maria d'autorité à un vieillard qui la laissa bientôt veuve. Elle devint alors la concubine d'une homme qui la délaissa et fut ainsi condamnée par les moeurs japonaises du temps à une prostitution de plus en plus avilissante. Elle témoigne ainsi de ce que pouvaient alors faire d'une femme bien née, mais qui prétendait à quelque liberté charnelle, les préjugés de caste et de classe.Avec Le Roman de Genji, voici probablement le plus beau roman japonais d'avant le Meiji, d'un courage en tous cas, d'une audace, d'une sensibilité extraordinaires, et en japonais d'une très belle langue. Comme si l'effort avait épuisé Ihara Saikaku ou comme s'il savait que nul, pas même lui, ne pourrait faire mieux ou même aussi bien dans le genre, ce sera son dernier roman. Il parut en 1686, la même année que le recueil de nouvelles Cinq amoureuses. Une préface intelligente et précise permet de situer cette Vie par rapport à la société d'alors.
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Dans la forte et subtile étude dont il fait suivre son excellente traduction du roman de Nagaï Kafû, Pierre Faure définit ainsi le sens de La Sumida : déploration d'«un Meiji qui n'a pas tenu les promesses de ses débuts et qui, en voulant greffer un corps étranger sur un tronc qu'il a déraciné, a engendré une crise profonde qui est le drame du Japon moderne ; c'est ce déchirement de l'être japonais moderne que l'on peut deviner ainsi entre les lignes de La Sumida et qui confère à ses accents une résonance si désolée». D'où l'organisation de cette histoire délicate, ténue, mais très savamment bâtie, à la japonaise. Afin d'exprimer formellement son refus d'un Meiji pour qui le bouc de Napoléon III et la discipline prussienne représentaient la civilisation, Nagaï Kafû construit son livre sur le retour cyclique des saisons (ce que reprendra plus tard Kawabata dans son Kyôto), un peu comme le poème des saisons : le haïku ou haïkaï. En outre, dans ses descriptions des paysages de Tôkyô, il évoque les estampes japonaises, celles de Hiroshige et de Kunisada, notamment, dont il était alors un des rares là-bas à priser la valeur. C'est aussi le roman de l'adolescence, de l'éveil, dans une société en crise grave, dévorée déjà par la technique, le rendement, et qui relègue au second plan la poésie, la galanterie, le théâtre de kabuki, où le héros verrait les seuls recours contre ce monde âpre et hideux. Nous lisons ici la complainte romanesque d'une civilisation moribonde, celle d'Edo que Tôkyô va supplanter sur place. Sachons incidemment admirer en Nagaï Kafû un homme qui, ayant appris en France à goûter aux libertés, refusera toujours d'entrer dans l'association des écrivains japonais, d'orientation fasciste, et souhaitera être enterré au cimetière des prostituées (satisfaction que lui refusera une famille contre laquelle il s'était d'emblée révolté). Bien que La Sumida remonte à 1909, Nagaï Kafû a donc beaucoup à nous dire aujourd'hui.