Plein Chant
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Il est des choses qu'il vaut mieux ne pas approfondir ou dont mieux vaut ne pas parler.
Mattis le sent obscurément, tel le fait que l'on a donné son nom et celui de sa soeur hege aux trembles morts émergeant des sapins proches de leur maison. ou encore que les gens l'appellent ahuri, quand ils ne se doutent pas qu'il les entend, et rechignent à lui confier un travail quelconque. lui non plus n'aime pas en demander. il sait trop quel désarroi le saisit presque aussitôt. mattis préfère rêver dans la forêt, écrire dans la boue un message d'amitié à un oiseau.
Tout lui est signe et présage : cette bécasse qui survole son logis et qu'un chasseur tue par sa faute, ce tremble que foudroie l'orage et qui représente lui ou hege... que hege meure ou cesse de s'occuper de mattis, comment vivrait-il ? l'idée chemine dans son esprit et l'obsède quand, devenu passeur sur le lac, il amène chez eux jörgen le bûcheron. petite âme à demi éveillée, coeur d'oiseau qui se débat dans les brumes où s'enveloppe pour lui le monde réel, mattis en vient à forger son propre destin et c'est ce qui rend si poignante cette histoire d'un simple où tarjei vesaas transcrit l'inexprimable enfoui au fond des êtres.
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Coeur indigné : autobiographie d'un ouvrier noir
Charles Denby
- Plein Chant
- Voix D'en Bas
- 13 Novembre 2017
- 9782854523348
Petit-fils d'esclaves, Charles Denby (1907-1983) passe son enfance sur une plantation de coton de l'Alabama avant d'aller chercher du travail dans les usines automobiles de Detroit, dans le Michigan, où il deviendra un militant syndical pugnace. Sur la plantation, la grand-mère raconte ses souvenirs du temps de l'esclavage, les métayers noirs se défendent comme ils le peuvent contre les exactions des propriétaires blancs, et les jeunes partent vers le Nord où ils espèrent échapper au racisme et à l'exploitation. Mais dans les usines du Nord, les Afro-Américains sont relégués aux postes les plus durs, les moins qualifiés et les plus mal payés - et les dirigeants syndicaux les incitent surtout à prendre patience. Alors Denby apprend à se battre. En pleine Seconde Guerre mondiale, il organise une grève sauvage dans son atelier, ce qui lui vaut d'être repéré par des militants communistes et trotskistes locaux. Les années 1943 à 1951 sont des années d'apprentissage syndical et politique - et de confrontation directe aux multiples formes du racisme à l'usine et dans les groupes politiques.
En 1948, Denby se lie avec les membres d'une fraction d'opposition qui rompra bientôt avec le trotskisme : la tendance Johnson-Forest. Johnson était le pseudonyme de l'intellectuel et militant antillais C.L.R. James (1901-1989) qui vivait aux États-Unis depuis 1938 ; Forest était celui de Raya Dunayevskaya (1910-1987), militante socialiste née en Ukraine, qui avait été brièvement secrétaire de Léon Trotski à Mexico en 1937. Le petit groupe qui se rassemble autour d'eux développe une analyse critique de la réalité des rapports de production en Union soviétique et met en question la nécessité d'un parti de révolutionnaires professionnels. Par de nombreux aspects, l'évolution de la tendance Johnson-Forest est proche de celle du groupe français Socialisme ou Barbarie qui se constitue à la même époque. Dans la lignée de l'enquête ouvrière conçue par Marx en 1880, le groupe américain s'efforce de susciter des témoignages en provenance de différentes composantes de la classe ouvrière et Denby est encouragé à raconter ses expériences de prolétaire noir.
Dans la première partie de ses souvenirs, parue en 1952 sous le pseudonyme de Matthew Ward, Denby fait revivre avec force détails le monde à la fois violent et solidaire de la plantation avant de relater ses nombreuses expériences de prolétaire afro-américain dans le Sud ségrégationniste et dans le Nord industriel. Mais qu'il s'agisse d'une plantation de coton en Alabama dans les années 10, d'une usine de construction automobile à Detroit dans les années 20, de la ville de Montgomery dans les années 30 ou d'une usine de guerre dans les années 40, c'est sans aucun misérabilisme que Denby évoque ces mondes où règnent l'oppression raciale et l'exploitation économique. Avec un talent de conteur qu'on sent nourri d'une riche tradition orale, il fait la chronique des multiples actes de résistance plus ou moins ouverte par lesquels les exploités contre-attaquent. Certaines histoires ont sans doute été racontées plus d'une fois et l'auditoire a dû se réjouir comme nous de tels et tels tours joués par ceux qui n'ont rien à ceux qui se croient tout puissants.
La seconde partie du livre, publiée en 1978 à la suite de la réédition du texte de 1952, nous fait pénétrer dans un monde nouveau. Les premiers chapitres racontent le boycott des bus de Montgomery, point de départ du Mouvement pour les droits civiques des Afro-Américains dans les années 50 et 60. Ces pages font écho au récit haut en couleur que faisait Denby, dans la première partie du livre, de sa propre révolte dans un bus de Montgomery vingt ans auparavant. Mais cette fois-ci, il ne s'agit plus d'une révolte individuelle et ponctuelle mais bien d'un mouvement massif de lutte contre l'ensemble des règles de la ségrégation dans les États du Sud. Dès le début, Denby s'implique fortement dans ce mouvement, retournant dans le Sud chaque fois qu'il le peut, rencontrant Martin Luther King, Rosa Parks et bien des anonymes dont les actes courageux mettaient en question tous les aspects d'un système d'oppression séculaire. En 1955, Denby devient rédacteur en chef d'un journal ouvrier, News and Letters, dans lequel il rend compte, tout au long des années 50 et 60, des luttes du mouvement de libération noir et de ses débats internes. Ouvrier de production dans l'industrie automobile jusqu'à sa retraite en 1973, il observe aussi attentivement les conséquences de l'automatisation sur les conditions de travail dans les usines et les formes que prend la révolte contre cette soumission de plus en plus contraignante de l'homme à la machine. En 1973 comme en 1943, il est du côté de ceux dont la révolte se traduit par des grèves sauvages échappant au contrôle d'une bureaucratie syndicale contre laquelle il n'a cessé de se battre. -
Les linogravures du groupe les Indélicats : 1932-1936 : supports artistiques d'une contestation politique et sociale
Barbara Dramé
- Plein Chant
- Type-type
- 3 Mars 2022
- 9782854523638
Le seul membre de la fine équipe des Indélicats à avoir laissé des souvenirs sur leur aventure commune, Louis Féron, termine ceux-ci par des lignes qui les situent parfaitement : « Les Indélicats ont élargi ma réflexion. Ils m'ont donné d'autres points de vue que ceux de l'industrie. Ils m'ont encouragé à explorer et à réfléchir à l'esthétique. J'ai appris de nouvelles choses précieuses en discutant avec ceux qui ont eu la chance d'aller à l'école d'art à plein temps et d'avoir le loisir de travailler de manière indépendante. Mais la discipline de mon métier et de l'atelier et mon obligation de travailler m'ont façonné. Les Indélicats étaient des individualistes et j'aimais leur dévouement à l'art, mais je n'étais pas à l'aise avec leurs farces et leur exhibitionnisme. »
De 1932 à 1936, ces Indélicats, au nombre de 21, ont donné 107 linogravures réunies en 9 portfolios. Les tirages n'ont pas dépassé les cent exemplaires ; ils sont devenus très rares et les artistes sont pour les trois quarts d'entre eux tombés dans l'oubli. Grâce à d'importantes expositions, Maurice Estève, André Fougeron et Édouard Pignon ont poursuivi une carrière artistique et acquis la célébrité comme peintres ; Gabriel Robin, moins connu, a réalisé une oeuvre abondante qui ne laisse pas les amateurs de peinture indifférents ; sa fille nous donne ici des souvenirs inédits sur lui et sur le groupe. On trouve au hasard des ventes des affiches de Roger Falck ou des toiles de Maurice Ernest Lerouillé, et Louis Féron a connu une belle carrière d'orfèvre, bijoutier et sculpteur en Amérique du Sud et aux États-Unis. On découvrira tous les autres à travers les pages de ce livre ; ils doivent leur présence en partie aux mémoires de Louis Féron.
Les Indélicats n'ont pas choisi le nom de leur groupe à l'unanimité, mais par la provocation de l'un d'entre eux et en somme par défaut. Ils ont néanmoins oeuvré dans le sens le plus brutal de ce mot en gravant des images provocatrices, dénonçant tout à la fois les combines politiques et les problèmes sociaux les plus inacceptables, sans doute pour la beauté du geste, sa gratuité. La plupart d'entre eux étaient des jeunes gens épris de justice et de beauté, mal à l'aise dans un monde déréglé à la suite de la guerre de 1914 et en pleine crise des années 1930. Parfois assimilés aux syndicalistes révolutionnaires ou aux anarchistes, ils ont avant tout exprimé ce poids d'un monde en déréliction à la veille d'une nouvelle guerre. On trouvera là beaucoup de concordances avec les révoltes actuelles. ! -
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L'empereur partit, les généraux restèrent
Theodor Plievier
- Plein Chant
- Precurseurs Et Militants
- 15 Mars 2021
- 9782854523560
L'Empereur partit, les généraux restèrent, ou Histoire d'une révolution manquée. Avec en filigrane le programme d'une caste militaire décidée, quel qu'en soit le prix, à s'accrocher au pouvoir malgré son écrasante responsabilité dans la barbarie montante de ce jeune XXe siècle, l'action de ce « roman-documentaire » s'étend du 16 octobre au soir du 9 novembre 1918, c'est-à-dire de l'effondrement du front à la proclamation de la Ire République allemande. Le récit commence dans la boue d'une tranchée, s'attache à la révolte des matelots de la marine impériale, il s'achève sur le pacte secret scellé entre le social-démocrate Ebert et le chef de l'armée, Groener. Il trouve son unité et son esthétique narrative dans la brutale accélération des événements révolutionnaires au cours des dernières semaines de la guerre. On comparera cet ouvrage à ceux d'Alfred Döblin à la même époque. On pensera au roman d'Adam Scharrer Les Sans-patrie, mais aussi au livre de Remarque À l'Ouest rien de nouveau. Mais en en refermant les pages, il ne restera plus qu'à méditer les mots de Plievier lui-même : « Ceci n'est pas un roman, mais un document ! »
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Le mouvement bûcheron ; La peine aux chaumières
Amédée Dunois, Emile Guillaumin
- Plein Chant
- 15 Février 2023
- 9782854523706
Ces deux petits livres publiés quasi simultanément en 1909, témoignent de deux regards sur la condition paysanne dans les années 1900. Amédée Dunois (1878-1945), originaire de la Nièvre, journaliste proche de la mouvance syndicaliste révolutionnaire de la jeune CGT (créée en 1895), donne une enquête rétrospective sur la constitution de la Fédération syndicale des bûcherons, à l'origine d'un vaste mouvement social considéré comme le réveil des métiers de la terre contre l'éternelle exploitation dont ils étaient victimes. Ce mouvement se développa sur une grande partie de ce qu'on appelait alors la région Centre et rayonna rapidement et durablement bien au-delà, sur tout le territoire. Émile Guillaumin (1873-1951), lui-même petit cultivateur de l'Ailier, eut une action centrée sur son département. Il fut l'animateur d'une revue syndicale durant sept ans, après avoir été l'auteur du livre fondateur la Vie d'un simple, roman qui dénonçait implicitement l'état de servage et de misère auquel semblaient être condamnés les métayers, ces locataires non salariés à la merci des grands propriétaires fonciers. Les luttes rapportées par Dunois ou menées par Guillaumin n'eurent qu'un but, l'accession de la classe ouvrière paysanne aux mêmes statuts et droits sociaux que ceux des autres branches d'activité. Pour cela leur meilleure arme fut la pédagogie par l'écrit, avec la propagande solide et efficace de la CGT et les exemples empruntés au quotidien, transcendés par la plume claire, directe et impartiale de Guillaumin.
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Nuit sur l'Allemagne : 107 linogravures des années 1937-1938
Clément Moreau
- Plein Chant
- Type-type
- 1 Février 2018
- 9782854523362
Clément Moreau (1903-1988), Carl Meffert de son nom, adhérent à la Ligue spartakiste dès qu'il eut seize ans, initié à l'art prolétarien par Käthe Kollwtiz, s'établit en 1927 à Berlin, où il appartint à l'avant-garde littéraire et artistique, celle qui sera pourchassée par les nazis. En 1933, l'arrivée d'Hitler au pouvoir le force à s'exiler en Suisse où, clandestin, il devient Clément Moreau. Obligé de quitter la Suisse, il part vivre en Argentine où il exécute, de 1937 à 1938, cent sept linogravures représentant les atrocités nazies, Nacht über Deutschland (Nuit sur l'Allemagne). Traduit en français par Cordula Unewisse et François Mathieu, ce livre illustré permet à ceux qui n'auraient pas eu l'original en allemand à leur disposition d'apprécier le talent graphique de Clément Moreau. Ajoutons qu'en 1976 les éditions Syros avaient publié Mein Kampf, dessins de Clément Moreau (Paris, n° 2 de la collection Combat culturel, 60 pages), un recueil de caricatures par Clément Moreau parues dans Argentina libre où elles illustraient, pour s'en moquer, des extraits autobiographiques du livre d'Hitler, mais ce livre est épuisé depuis longtemps.
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Premiers travaux. Frühe Arbeiten. Art prolétarien : 5 suites graphiques, 1 des années 1927-1934. Proletarische Kunst
Clément Moreau
- Plein Chant
- 30 Avril 2020
- 9782854523508
Carl Meffert, peintre et linograveur, contemporain du courant expressionniste allemand et s'y rattachant par son inspiration et par le réalisme sans concession de ses dénonciations gravées de la politique et de la société de son temps, est né en 1903 à Coblence et a grandi dans une maison de correction de l'Assistance publique. En 1920, il est condamné à trois ans de prison pour avoir participé aux insurrections spartakistes de la fin de la guerre. En 1926, il est à Berlin où il vit d'abord dans des asiles pour sans abris et gagne son pain en peignant des pancartes sur les marchés. Par la publication de caricatures dans l'Arbeiter Illustrierte Zeitung (?Journal illustré des travailleurs?) de Münzenberg, il entre en contact avec des artistes engagés. Sur commande de l'organisation de jeunesse du KPD, le Parti communiste d'Allemagne, il grave la série «?Hambourg?», six planches sur la révolte de 1923. Suite à cette publication, il fait la connaissance de Käthe Kollwitz qui l'encourage, mais également de graveurs, peintres, photographes de renom, tels Emil Orlik, John Heartfield ou Heinrich Zille. Il réalise alors les suites rassemblées ici parmi lesquelles Éducation à l'Assistance évoque sa propre expérience. Devant la montée du nazisme, il s'exile illégalement en Suisse à partir de 1933?; il y prend le nom de Clément Moreau et deux ans plus tard émigre vers l'Argentine. Là il réalise notamment la suite «?Nuit sur l'Allemagne?» que nous avons présentée en 2018 dans cette même collection. Rentré en Suisse en 1962, il y a vécu jusqu'à sa mort fin 1988. C'est en 1983 que fut initialement réuni, et excellemment préfacé par lui-même, le présent recueil de ses premiers travaux. Nous y avons ajouté la suite «?Art prolétarien?», de 1932-1934, publiée directement après les cinq premières des années 1927-1929.
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Flora Tristan (1803-1844) a mené dans sa courte vie bien des combats pour les droits sociaux les plus élémentaires?: l'émancipation de la femme et son égalité de droits avec l'homme, le rétablissement du divorce, l'abolition de la peine de mort, le droit au travail, et surtout, aboutissement de son cheminement intellectuel, la solidarité ouvrière par l'établissement d'une union universelle des travailleurs dont ce livre est le manifeste et le point de départ. C'est en voulant l'enrichir par une enquête de terrain et rassembler dans le même temps des propagandistes et des soutiens qu'elle entreprit un tour de France qui devait rester inachevé et qui l'a conduite au tombeau. Les théories politiques ou sociales n'encombrent pas son oeuvre ; elle ne s'appuie que sur des faits et sur des observations et si elle a lu et fréquenté bon nombre de socialistes et d'utopistes de son temps, ce fut le plus souvent pour leur emprunter ce qui lui semblait le meilleur pour son projet. Elle imaginait alors globalement ce que seront longtemps après elle les bourses du travail, les maisons du peuple, les crèches, les maisons de retraite, la sécurité sociale. Une femme pleinement lucide s'exprime ici dans un imaginaire visionnaire riche de tous les possibles.
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Ce volume fait suite aux Hommes de l'Émeraude et regroupe tout ce que Kjellgren a écrit se rapportant au sort de l'équipage de l'Émeraude. La mort l'a empêché de mener à terme son projet, mais il nous lègue ici une grande leçon de morale sociale et de démocratie centrée sur une opération survie faisant appel, sur le plan littéraire, à une technique dans laquelle l'onirisme vient enrichir le réalisme naturel à l'auteur.
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Pourquoi les grandes oeuvres universelles (depuis Homère jusqu'à Tchekhov, en passant par Apulée, Montaigne, Tou Fou ou Baudelaire), continuent-elles d'exercer leur séduction sur nous et sur des générations toujours renouvelées de lecteurs ? En quoi nous concernent-elles plusieurs siècles, parfois, après qu'elles furent écrites ? Sur un ton alerte et vivant, à la fois solennel et familier, impérieux et intime, Kenneth Rexroth a cherché une réponse à ces questions dans soixante essais foisonnants d'idées, couvrant les domaines du roman, de la poésie, de la philosophie, de l'histoire et du théâtre. L'unité de ce recueil tient à ce que Kenneth Rexroth a toujours soin d'associer les "grands auteurs" à l'expérience vécue par chacun d'entre nous, de rapprocher, dans ce qu'elles ont de plus élevé, la littérature et la vie.
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Histoire des Bourses du Travail : Origine, Institutions, Avenir
Fernand Pelloutier
- Plein Chant
- 1 Septembre 2023
- 9782854523744
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Connue d'un large public par ses mémoires, ses travaux d'ethnologie et ses proses poétiques publiés chez Payot, connue d'un public plus restreint mais peut-être plus fidèle à travers ses recueils de contes et ses poèmes écrits en occitan, Marcelle Delpastre (1925-1998) a laissé à sa mort nombre d'oeuvres originales reflétant autant de facettes inconnues ou peu connues de son talent, lequel est avant tout poétique. Ainsi ces Ballades, sur un mode traditionnel et légendaire, nous offrent-elles une approche saisissante de l'univers intérieur de l'auteur, entre l'innocence des origines et le point ultime de tout parcours, de tout cycle naturel : c'est ici un livre noir où l'espoir n'apparaît pas et dont l'omniprésente conclusion restera pessimiste :
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L'usine nuit et jour : journal d'un intérimaire
Patrice Thibaudeaux
- Plein Chant
- Voix D'en Bas
- 10 Octobre 2016
- 9782854523270
Patrice Thibaudeaux, ouvrier intérimaire dans une usine de galvanoplastie, avait tenu un journal, du temps qu'il travaillait dans l'équipe de nuit, racontant l'enchaînement des nuits de rude travail, les relations tendues avec l'encadrement et les boîtes d'intérim, les stratégies des ouvriers pour tenir le coup face à la fatigue, les divisions entre les travailleurs. Ce journal, publié en 2012 par le réseau « Échanges et Mouvement » sous la forme d'une brochure intitulée Nuits d'usine, constitue la première partie de L'Usine nuit et jour. Il est suivi de lettres dans lesquelles Patrice Thibaudeaux raconte notamment comment il essaya d'échapper à l'usine en obtenant une licence d'histoire qui lui permit d'obtenir des postes de remplaçant dans des collèges - une expérience amère qui le renvoya dans l'usine de galvanoplastie, cette fois dans l'une des équipes de jour. La chronique de ces journées d'usine forme avec les pages précédentes un témoignage sobre, sans effets grandiloquents ou misérabilistes, mais donnant à voir et à sentir la réalité de l'exploitation contemporaine dans toute son ampleur.
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Cet ouvrage recueille des textes autobiographiques, de courts récits de la mine, une Complainte des Carbeniers et de belles pages sur « Le Borinage qui meurt ». Les pages autobiographiques retracent la carrière de mineur de Malva et la genèse de sa vocation d'écrivain. Pages essentielles qui nous montrent le cheminement solitaire vers l'expression littéraire d'un homme qui ne fut jamais un amateur dans ce domaine : plus qu'un simple témoin de la mine, plus qu'un écrivain prolétarien, Constant Malva est avant tout un écrivain témoin de son temps.
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De l'état des ouvriers et de son amélioration par l'organisation du travail
Adolphe Boyer
- Plein Chant
- 23 Septembre 2020
- 9782854523553
Aux approches de 1848, dans une période d'effervescence sociale où des talents littéraires ouvriers se révèlent, principalement dans le domaine de la poésie et de la chanson, accessoirement dans ceux du roman et du pamphlet, apparaît aussi une presse ouvrière qui ne ménage pas sa peine pour dénoncer les injustices patentes de la politique mise en place après 1850. Adolphe Boyer (1805-1841), ouvrier typographe, était l'un des collaborateurs de l'Atelier, le plus important de ces journaux alors à ses débuts. Dans l'esprit de ce dernier, il a voulu rassembler l'ensemble des données qui justifiaient la mise en place urgente de l'organisation du travail, idée lancée en 1839 par Louis Blanc et qui était fort répandue quand Boyer publia en 1841 son projet contre le chômage et la misère des travailleurs, donnant ainsi l'un des tout premiers livres écrits par un ouvrier pour la défense des siens, exposition, propositions et solutions comprises. L'ouvrage reçut un accueil favorable de la presse, mais fut pour son auteur un échec financier qui devait le conduire au suicide. Ce livre n'est pas l'oeuvre d'un littérateur ni d'un candidat à la gloire littéraire ; dans ses pages qui n'ont rien de prophétique mais reflètent un singulier bon sens - non suivi d'effets -, on ne manquera pas de constater la dénonciation d'anomalies dans les rapports sociaux toujours en suspens cent quatre-vingts ans plus tard.
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Didier, homme du peuple, parut en 1914 chez Payot, peu de temps avant la mort de son auteur, Maurice Bonneff, tué au début de ce que l'on peut appeler la Grande Boucherie, et dont les funérailles furent suivies par cent cinquante mille travailleurs. Le livre reproduisait une version parue dans la Grande Revue de septembre à novembre 1912, mais comme il donnait à lire l'histoire (romancée) du syndicaliste Henri Pérault (1866-1908), le montrant au travail avec les terrassiers, constructeurs avec leurs mains du métro parisien, et sans rien cacher de ses opinions de syndicaliste révolutionnaire, plusieurs passages du roman furent supprimés afin d'en rendre la parution possible. Grâce à Henry Poulaille, possesseur de la version pré-originale, nous avons pu donner cette édition, ajoutant au texte de 1914 paru chez Payot une annexe comprenant les ajouts, les retraits et les variantes de Maurice Bonneff qui permettent de se faire une idée précise à la fois de la vie et de la pensée des prolétaires de la « Belle Époque » écrasés par le système capitaliste.
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« Autobiographie d'un ouvrier autodidacte », ce petit livre a souvent été considéré comme un des chefs-d'oeuvre de la littérature ouvrière. Suscité par Marcel Martinet, il est un peu l'acte de naissance de la littérature prolétarienne française. Lucien Bourgeois, après bien des métiers et des misères, fut longtemps ouvrier photograveur. La préface de Jean Prugnot retrace son existence difficile avec beaucoup d'émotion et de détails.
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Le livre de 300 gravures : Allemagne, Suisse, Argentine : 1925-1983
Clément Moreau
- Plein Chant
- 23 Septembre 2020
- 9782854523522
Ce troisième recueil consacré à Clément Moreau, né Carl Meffert (1903-1988), présente la suite, classée chronologiquement en deux séries, de ses travaux dans le domaine de la gravure?: la première avec les linogravures et les gravures sur plomb pour des livres, des périodiques et en portfolios (1930-1983), la seconde avec des oeuvres isolées dans des livres, des périodiques, pour des manifestations politiques ou syndicales, des événements touchant ses engagements et ses convictions humanistes (1925-1976). Ceci avec le renouvellement de ses techniques de gravure, à chaque étape adaptées au personnage ou au sujet traité. Ainsi grava-t-il avec colère et violence ses oeuvres antifascistes durant la période de la terreur nazie, avec amitié celles illustrant des livres d'écrivains proches, avec l'amour du métier et des gens ses suites consacrées à la vie quotidienne et aux fêtes populaires des paysans argentins.
Les grands traits de sa vie vont toujours dans le sens de la lutte contre les injustices sociales, depuis sa jeunesse difficile et ses débuts dans une Allemagne se durcissant de jour en jour envers les intellectuels et les artistes?; dans une Suisse où il entra clandestinement pour échapper aux nazis et que, visé par une arrestation, il dut fuir pour l'Argentine, pays où il poursuivit le combat contre les dictatures européennes et se lia d'affection avec le peuple indien - et qu'il dut quitter devant l'irruption d'une autre dictature. Moreau est un artiste vrai, à redécouvrir tant son oeuvre est multiple et variée, alors que lui-même se considérait simplement comme un artisan au service du peuple. -
Autour de ses trente ans, dans les années 1950, en une quarantaine de nouvelles, Marcelle Delpastre mit à jour un univers romanesque qu'elle qualifia de surréel, univers d'une extrême violence et si loin d'elle qu'on ne se serait pas attendu à voir naître de la jeune paysanne sans histoire qu'elle avait choisi ou semblé accepter d'être depuis déjà dix ans. Le narrateur - un homme toujours - y vit des amours passionnées qui - jalousie, suspicion - le mènent le plus souvent au crime, sans qu'on sache vraiment jamais dans quel ordre de réalité on est. Tout ça écrit, au dire de l'auteur, avec une grande jubilation, comme en un jeu qu'on a du mal à penser innocent (bien qu'une seule nouvelle, Départs, nous semble directement nourrie de sa propre vie). Tout se passe comme si Marcelle Delpastre avait eu alors besoin d'extirper d'elle certains démons (tant personnels que littéraires) pour devenir l'immense poète que nous savons aujourd'hui et dont on voit à la même époque les premiers éclats dans Le Testament de l'eau douce et plus encore dans les Ballades publiées en 2001 dans cette même collection (et réimprimées parallèlement au présent recueil). De l'ensemble nous avons choisi vingt-cinq nouvelles illustrant bien toutes les facettes de ce moment d'une oeuvre encore en gestation. Le lecteur va découvrir une Marcelle Delpastre étonnante et qu'il était probablement bien loin de soupçonner. - JdM.
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Les métiers qui tuent : enquête auprès des syndicats ouvriers sur les maladies professionnelles
Léon Bonneff, Maurice Bonnef
- Plein Chant
- 15 Octobre 2019
- 9782854523454
Au début du XXe siècle, Léon et Maurice Bonneff, deux frères unis dans un combat acharné contre toutes les injustices sociales, avec comme armes leurs plumes et leur force d'investigation, ont révélé au grand public, parmi les faces cachées de la «?Belle Époque?», l'exploitation éhontée des travailleurs, leur exposition aux produits toxiques. En dix ans, ils ont publié près de 400 articles et quatre livres, dont Les métiers qui tuent fut le premier, enrichi ici de vingt articles parus dans l'Humanité et les Hommes du jour, les deux journaux qui furent les principales bases d'action de leur courte carrière?: ils furent tués, à 32 et 30 ans, au début de la Grande Guerre. La mission qu'ils s'étaient donnée a fait d'eux, plus que des journalistes d'enquête, des militants du courant syndicaliste révolutionnaire, alors si actif et si efficace avec la création des Bourses du travail et le développement de la CGT. Au-delà de leur apport à la lutte contre les aberrations du système de production, ils participèrent pleinement à la volonté de rénovation générale de la société. Il est important de rappeler leur combat en un temps, le nôtre, où d'autres combats viennent faire écho à ceux qu'ils menèrent avec une détermination sans faille voici cent vingt ans.
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En 1912, la revue Le Beffroi édite son premier recueil de poèmes, le Toit qui fume. Mobilisé en 1914, il fait toute la guerre dans l'Infanterie. Après un premier roman, Bérangère, publié par les éditions de la revue Les Humbles en 1921, il fait paraître en l'espace de treize ans - de 1923 à 1936 - douze romans et un recueil de contes. S'exprimant par le biais de son héros Ritcourt (Ritcourt, un caractère de chien, F. Rieder et Cie, 1925), esprit railleur et caustique, il déclare que ses personnages « sont des gens qui vivent sans chambard, sans gesticulations... Ils n'ont pas, eux, comme celui qui turbine en ville, l'ambiance de la lutte sociale, ou, plus simplement, de la coopération... Ils ne sont ni organisés, ni conscients... ». De cette partie de la population composée de petits artisans, de petits boutiquiers dépourvus de toute conscience de classe, Georges David cherche à faire un ensemble organisé, cimenté par une solidarité qui mettrait au second plan les inévitables petites haines telles qu'en naissent dans les villages ou les bourgs. Styliste souvent acerbe, observateur attentif et sans complaisance des êtres humains qui l'entourent, ni humoriste ni ironiste, il s'exprime en auteur satirique et en homme révolté. Loin de se borner à raconter des histoires avec une verve qui stigmatise la bêtise et la lâcheté, il cherche, en témoin de l'injustice sociale, à exalter le courage et la dignité des purs, à mettre en évidence une « aristocratie du peuple » qui, par ses luttes, chercherait à construire un monde meilleur pour tous. Ses idées sur la littérature prolétarienne, lucides, mériteraient d'être mieux connues : « Elle est ce qu'elle est, cette sacrée littérature, mais elle existe. Nous connaissons ses mérites, qui sont grands. [...] Mais là où ça ne colle plus, c'est quand il est question de son efficacité, à cette littérature, de son utilité sociale, et aussi de son utilité tout court. [...] Nous n'osons pas nous avouer, nous n'osons pas dire cette indiscutable vérité : l'oeuvre prolétarienne n'est pas lue par le prolétariat. L'ouvrier ne lit pas le livre sorti de la pensée du copain. C'est regrettable, mais c'est comme ça... ». Lui, Georges David, s'était engagé. En 1932, il avait adhéré au Groupe des écrivains prolétariens de langue française, puis à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR). Passage à niveau parut en 1935, dans la collection « Horizons » des Éditions sociales internationales, suivi aux mêmes éditions par La Remise des cailles (1936) et Pascaline, roman suivi de Sept officiers... (1936). Tétanisé par la guerre de 1939-1945, il s'arrête de publier, sinon d'écrire. On pourra lire ainsi en 1952 La Pivoine de Tivoli, en 1956 un roman illustré par Louis Suire, La Ville aux eaux mortes, puis en 1960 Le Bazar à trois sous (éditions du Scorpion). Georges David mourut à Mirebeau-en-Poitou le 14 avril 1963. Son nom y sera perpétué par le collège Georges David.
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Ce roman, publié pour la première fois en 1937, fut inspiré à Madeleine Vivan par la carrière d'instituteur de son père. Elle s'y est largement dépeinte dans le personnage d'Andrée, sa fille. Complètent la famille?: un frère jumeau d'Andrée, futur ardent militant?; un capitaine au long cours, reflet d'un réel grand-père?; un oncle un peu parasite?; un petit frère élevé au loin par une tante. Hors du cercle familial dix autres personnages enrichissent ces pages en confrontant leur vie à celle de l'instituteur?: un enfant perdu que la famille adoptera, un professeur en mal d'amour et d'amitié, un musicien équivoque, un mendiant brut de décoffrage, des ouvriers, des hommes et des femmes en lutte pour le pain, chacun décrit en quelques traits incisifs. Madeleine Vivan a donné là un petit chef-d'oeuvre, nourri à la fois de naïveté - celle de la jeunesse - et d'une grande force de conviction ; l'écriture en est maîtrisée d'un bout à l'autre?; aucun moment vide, une sensibilité exacerbée vis-à-vis de la relation entre gens et choses, une humanité qui affleure dans tous les mots, une finesse dans le polissage des phrases qui sonnent clair avec toujours des relations de cause à effet évidentes. On se sent près de la narratrice, on la voit peser ses mots avec légèreté et on les entend toujours tomber justes - pour nous dire un monde possible de résistance au milieu des incertitudes.
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Magdeleine Paz (1889-1973), connue également sous le nom de Magdeleine Marx, est une haute et belle figure, longtemps oubliée, du mouvement social de l'entre-deux-guerres, et une ancêtre des journalistes d'investigation. Militante engagée dans de multiples combats contre les scandales politiques et les inégalités sociales, elle est encore romancière et traductrice. Comme beaucoup d'autres militants à l'esprit libre qu'elle a cotoyés, elle a commencé son parcours dans les milieux anarchistes, libertaires et féministes, elle l'a poursuivi avec les syndicalistes révolutionnaires et les socialistes jaurésiens. En 1920, l'espoir d'un monde meilleur apporté par la Révolution russe la fit rejoindre le Parti communiste ; très vite déçue, elle milita dans l'opposition de gauche. Exclue du Parti, elle revint vers la SFIO. Dans toutes ces années, elle a réalisé des reportages, mené des enquêtes, publié nombre d'articles : sur la Turquie, la famine en Russie, la Pologne, la Grèce, le Maghreb, la condition des Noirs aux États-Unis, la lutte des Indochinois contre la répression coloniale... Elle organisa et fut l'âme du groupe qui oeuvra pour la libération de Victor Serge retenu en Russie. Elle lutta contre la guerre et le militarisme, l'antisémitisme, le fascisme, le stalinisme, les procès de Moscou. Et pour les travailleurs immigrés, les prostituées, pour la paix, les droits de l'homme, le droit d'asile, l'accès de tous à l'art et à la culture. Proche de tous les opprimés, elle a ainsi donné des leçons de fraternité qui aujourd'hui peuvent toujours éclairer notre route.