« Faites-nous voir comment ce jeune homme a pu tuer l'esclave en lui à petit feu, et comment il se réveilla un beau matin, sentant couler dans ses veines non plus le sang d'un esclave mais celui d'un homme libre. » (Anton Tchekhov).
Quelles sont les conséquences psychologiques de la promotion ou de la régression sociales ? Lorsque ces changements font écho à des conflits personnels, naît un « mal de vivre » qui devient une névrose : la névrose de classe. Entre psychologie et sociologie, cet essai et ce concept original sont devenus des références, notamment en psychogénéalogie. Riche en histoires de vie et en cas littéraires, le livre comprend en outre, en épilogue, une lettre d'Annie Ernaux discutant cette thèse qui la touche de près.
Les nouvelles méthodes de gestion développées depuis les années 1980 ont diffusé une idéologie colonisant les esprits et la société pour soumettre celle-ci aux exigences de la rentabilité financière.
La culture de la performance et de la compétition met tout le monde sous haute pression : épuisement professionnel, stress, suicides au travail. La société n'est plus qu'un marché, un champ de bataille où le remède proposé aux méfaits de la guerre économique consiste toujours à durcir la lutte. Face à cette mutation, la politique, également contaminée par le « réalisme gestionnaire », semble impuissante à dessiner une autre voie. Peut-on échapper à l'épidémie ? Peut-on repenser la gestion comme l'instrument d'organisation d'un monde commun ? C'est justement la piste qu'ouvre ici le diagnostic du sociologue clinicien.
Source d'estime de soi, de liens et de reconnaissance sociale, le travail expose de plus en plus l'individu à l'angoisse de n'être plus « à la hauteur », au stress de la compétition, à la souffrance psychique qui pousse certains jusqu'au suicide. L'auteur décrypte l'interaction entre les causes psychiques, sociales et économiques de cette mutation. Au total, le système managérial au service de la performance financière est la cause première du mal être au travail et non la fragilité des individus. Le nouveau management public étend au secteur public les méfaits d'une gestion inhumaine longtemps rodée dans le privé. Les « raisons » de la colère des travailleurs ont ici un double sens : explication de ses causes et validation de la résistance. Car résister, exprimer la colère plutôt que la résignation, est la plus raisonnable des réactions pour éviter que les individus retournent contre eux-mêmes une violence nourrie par ce système.
Vincent de Gaulejac:
Président du réseau international de sociologie clinique, professeur émérite à l'université de Paris-VII-Diderot, il est notamment l'auteur au Seuil de La Société malade de la gestion (2005).
Les hommes croient avoir une histoire. Ils disent communément : « C'est mon histoire », comme s'ils en étaient les propriétaires. Ils pensent ainsi protéger ce qu'ils ont de plus précieux, leur identité, leur être profond et singulier. Or il serait plus juste de dire que l'homme est histoire. Ce n'est pas le sujet qui raconte son histoire, c'est l'histoire qui le raconte.
Ce livre explore les potentialités du récit de vie pour permettre au sujet de se réapproprier une histoire dont il se sent parfois plus la victime que l'acteur. Entre fiction et réalité, entre roman familial et histoire sociale, entre illusion biographique et enquête sur le passé, le récit de vie est un moyen de retravailler son existence. Il offre au sujet la possibilité de dénouer des noeuds sociopsychiques inconscients entre l'histoire personnelle, l'histoire familiale et l'histoire sociale. Ce faisant, le récit de vie lui permet de dépasser des traumatismes restés jusque-là impensés pour s'inventer une vie ouverte sur l'avenir.
Quel est le poids de notre histoire familiale sur notre propre vie ? Pourquoi les descendants qui ont souffert des situations familiales difficiles, dont ils cherchent à tout prix à se défaire, semblent parfois condamnés à les reproduire ? Pourquoi les secrets de famille, suscités par le désir de protéger la famille de la honte et du déshonneur, marquent-ils de façon indélébile les descendants ? Face à ces « défauts de transmission », la mémoire familiale joue un rôle essentiel. Elle est porteuse de scénarios de vie qui indiquent aux héritiers des façons d'être et de faire pour affronter les avatars de l'existence.
La honte est une souffrance d'autant plus forte que par nature on en parle peu.
Il y a l'humiliation qui amène à taire les violences subies, à se replier sur soi-même.
Il y a la gêne éprouvée face à la honte d'autrui, qui conduit, le plus souvent, à une mise à distance, à un refus d'entendre ce qui dérange.
Ces deux attitudes se complètent et se renforcent. La gêne des uns contribue au rejet des autres et au silence de tous.
Cet ouvrage brise ce cercle du silence en favorisant une meilleure compréhension des multiples facettes de la honte. Derrière celle-ci se cachent des trésors d'amour, de sensibilité et d'humanité, qui n'arrivent pas à s'exprimer. Comprendre, écouter, dire la honte, c'est s'affranchir d'une partie de la souffrance qu'elle provoque.
Les sociétés hypermodernes exacerbent la nécessité de s'affirmer comme individu autonome pour se conformer à l'idéologie de la réalisation de soi-même. Beau paradoxe puisque chacun doit cultiver son identité personnelle en se conformant à l'injonction d'être un sujet responsable de lui-même, de ses actes, de ses désirs, de son existence sociale. Mais que signifie vouloir être soi-même ? Cet ouvrage explore les conditions sociales et psychiques du processus de subjectivation par lequel un individu cherche à advenir comme sujet. Entre sociologie et psychanalyse, l'exploration porte sur les notions d'individu, d'identité, de sujet, adossée à des vignettes cliniques à partir de récits de vie. Il prolonge les réflexions de l'auteur sur une sociologie clinique attachée à comprendre, au plus près du vécu, comment se tissent les relations intimes entre l'être de l'homme et l'être de la société. D'autres livres ont abordé la question. Celui-ci a le mérite d'offrir, avec clarté, un parcours passionnant à travers les diverses approches du sujet (philosophiques, psychologiques et sociologiques). Il dessine les contours d'un être humain unifié, où psychique et social interagissent au lieu de s'opposer, où les déterminismes sociaux sont aussi les ingrédients de l'autonomie.
Dans nos sociétés modernes éclatées, où l'individu n'a plus de statut déterminé, le déplacement social à multiples visages - promotion et régression sociales, changement de métier et de lieu - influence de façon certaine la personnalité des gens, confrontés à des ruptures et à des conflits difficiles à assumer.
Lorsque ces conflits font échos à des conflits plus personnels, ce " mal de vivre " deviendra une névrose, que l'auteur désigne comme " névrose de classe ". Démarche qui permet de clarifier les rôles respectifs des facteurs psycho-sexuels, des facteurs sociaux et familiaux. Des " Histoires de vies " explicitent le propos et surtout la référence à des personnages romanesques ; l'héroïne de " La Place " d'Annie Ernaux, du " Fils de la servante " de A.
Strindberg ou de " A. Bloyé " de Paul Nizan. Pour la recherche en sciences humaines la " Névrose de classe " apporte un éclairage nouveau : une autre façon d'articuler les conflits psychologiques et sociologiques, dans une alliance riche en perspectives. Vincent de Gaulejac, professeur à l'université Paris VII - Denis Diderot, directeur du Laboratoire de Changement Social, vice-président du Comité de recherche de sociologie clinique de l'Association internationale de sociologie.
La révolution managériale dans les institutions publiques, en lien avec la Révision générale des politiques publiques, modifie en profondeur le rapport au travail et l´activité des personnels. La recherche du résultat, l´avancement au mérite, le management par projet, l´obsession évaluatrice, produisent des tensions entre la culture du service public et la culture d´entreprise. Quels sont les paradigmes qui sous-tendent cette nouvelle gestion publique ? Comment analyser les effets psychologiques, idéologiques et organisationnels de ces pratiques managériales ? Comment agir face à ce mal-être au travail ? L´auteur examine en quoi ces questions concernent aujourd´hui le monde de la recherche. Il s´interroge sur le glissement qui s´opère dans l´évaluation de la recherche quand l´excellence est définie et mesurée quantitativement. Au-delà de la communauté scientifique, directement concernée, cet ouvrage s´adresse à toute personne curieuse des relations entre les secteurs public et privé. En favorisant la réflexion et l´analyse, l´auteur souhaite appeler à une résistance citoyenne, raisonnée et argumentée.
Une description des différents aspects de l'exclusion et des diverses formes de désagrégation du lien social, fondée sur des récits de vie. L'auteur montre comment les individus entrent dans l'engrenage de la désinsertion et présente les stratégies pour tenter d'en sortir. Il analyse également pourquoi les réponses politiques et institutionnelles s'avèrent impuissantes pour enrayer ce phénomène.
L'injonction paradoxale plonge un individu dans un dilemme insoluble en lui imposant des exigences incompatibles : produire toujours plus avec moins de moyens, être autonome en obéissant aux règles, avoir l'esprit d'équipe dans un système hyper concurrentiel. La mutation vers un capitalisme financier exacerbe cette logique paradoxante et la propage dans toutes les organisations privées et publiques, marchandes et non marchandes.
Les auteurs mettent au jour les origines du phénomène, au confluent de la « révolution » managériale, de la révolution numérique et de la financiarisation de l'économie. Ils analysent la difficulté de vivre dans un système paradoxant aux effets ravageurs pour la santé mentale. Ils proposent enfin des pistes pour combattre la folie que ce système génère.
La rencontre entre les pratiques théâtrales engagées dans le changement social et la sociologie clinique a donné naissance au théâtre d'intervention. Les auteurs en présentent les fondements théoriques, les outils et les applications.
Entre l'art, la science, la politique et la clinique, le théâtre d'intervention est une voie royale pour apprendre à vivre dans une société qui nous confronte à des dilemmes impossibles. Les auteurs en décrivent les fondements théoriques, la démarche et les différents outils utilisés qui permettent de mettre en scène des conflits répétitifs vécus au sein des organisations afin d'en comprendre la genèse et d'en résorber les effets les plus nocifs. Ils montrent en quoi celui-ci favorise l'émergence du sujet et sa puissance d'agir, l'analyse des conflits comme des noeuds sociopsychiques, et des conséquences de contradictions sociales et institutionnelles. La présentation de cas d'interventions illustre différentes modalités d'application du théâtre d'intervention socioclinique, dans des contextes divers - entreprises, des services publics, des associations, des ateliers citoyens -, en France et à l'étranger, auprès de populations hétérogènes.
La boîte à outils, conceptuels et méthodologiques, du sociologue clinicien, élaborée à partir de divers terrains de recherche ou d'intervention.
Cet ouvrage de référence rassemble les méthodes et problématiques centrales ainsi que les objets et champs de recherche investis par la sociologie clinique. La spécificité de cette discipline tient à la façon d'appréhender et d'analyser les phénomènes sociaux et psychiques, dans une perspective à la fois théorique (inscrite dans une tradition compréhensive, elle articule la compréhension des processus sociaux à celle du sujet jusque dans ses processus intrapsychiques) et politique (qui pose au-delà de la critique, la nécessité d'une clinique du social et l'accompagnement des processus de subjectivation).
Mobilisant les fondateurs de l'approche, ce dictionnaire bénéficie également de la participation de jeunes docteurs, doctorants et intervenants qui contribuent à son rayonnement, ainsi que de représentants des autres approches cliniques en sciences sociales, antérieures à ou contemporaines de la sociologie clinique.
Les notices, au nombre de 245, sont organisées par ordre alphabétique. Elles sont de plusieurs types : entrée par concept/problématique, objet/champ de recherche, méthode/dispositif de co-construction des savoirs et d'analyse de données, courants/théories/approches avec lesquels les représentants de la sociologie clinique dialoguent.
Pourquoi le djihadisme exerce-t-il une telle séduction sur certains jeunes ? Que faire de ceux qui se sont radicalisés ? Comment empêcher d'autres jeunes de basculer dans la radicalisation ?
Ce livre défend une conviction : toute démarche de prévention doit associer les jeunes et les familles qui ont été confrontés à la radicalisation pour dissuader ceux qui souhaitent emprunter ce chemin. Les témoignages de Mansour, de Marie, d'Éric, de Tia et d'autres permettent de comprendre en profondeur leurs parcours, leurs motivations, leurs revirements et pourquoi le djihadisme séduit des jeunes en quête de sens, de place, d'aventure. Les récits des mères de djihadistes révèlent la détresse des familles, déchirées entre leur loyauté affective et un sentiment dévastateur de honte. Ils révèlent aussi leur besoin d'agir, de s'associer à la lutte contre la violence. Ils permettent d'explorer les sources du « choix » djihadiste et les moyens de l'éviter.
L'approche préventive développée dans ce livre a été initiée en Belgique. Elle rencontre un intérêt croissant en France.
"Les chercheurs du Laboratoire de Changement Social et Politique (LCSP) de l Université Paris Diderot qui inscrivent leurs travaux dans une orientation clinique en sciences sociales, organisent régulièrement des séminaires ""Histoires de vie et choix théoriques"". Des scientifiques y sont invités à livrer un récit autobiographique à partir de la consigne : ""Quel rapport faites-vous entre votre histoire (personnelle, familiale, sociale) et vos choix théoriques, épistémologiques, méthodologiques ?""
En publiant un numéro spécial sur l'histoire du LCS, le souhait des auteurs est double : transmettre un témoignage qui exprime leur gratitude vis-à-vis de ceux qui ont initié une orientation de recherche singulière qui s'est affirmée au sein de l'université autour de la sociologie clinique, et donner le goût à des jeunes chercheurs de poursuivre cette oeuvre, de s'inscrire dans la continuité de cet héritage, de le faire fructifier et de le transmettre à leur tour.
Entre la recherche clinique et la clinique de la recherche, cet ouvrage explore et décrit une certaine façon d'être chercheur, une conception particulière du travail scientifique dans laquelle l'implication et la distanciation se combinent en permanence.
Cet ouvrage rend compte du travail du chercheur. Il décrit les ficelles du métier. Il raconte également une aventure intellectuelle et institutionnelle au sein du laboratoire de changement social : trois générations de chercheurs apportent ici leur contribution à la construction d'une orientation scientifique singulière qui prétend combiner deux postures a priori étrangères l'une à l'autre : une démarche méthodologique d'inspiration clinique, une démarche théorique inscrite dans les sciences sociales.
Des cliniciens témoignent de la façon dont ils abordent la réciprocité des influences entre le social et le psychique dans leur pratique, en particulier comme psychanalystes et comme psychothérapeutes.
Entre l'être de l'homme et l'être de la société, les influences, les connexions et les interactions sont profondes. Chaque individu contribue à produire la société, qui produit chaque individu. Comment analyser ces interférences ? La question est particulièrement sensible lorsque des conflits, vécus comme « personnels », sont pour une part la conséquence de situations sociales liées au travail, à la famille, à l'argent, à la violence institutionnelle et plus généralement à la violence symbolique des rapports sociaux. Les auteurs explorent cette part de social en nous-mêmes à partir de leur pratique de psychothérapeutes et des apports de la sociologie clinique.
Le propos de cet ouvrage est de montrer la richesse de l'approche par les histoires de vie dans le champ de l'intervention. Il est écrit par des praticiens chevronnés qui sont également des chercheurs, non seulement parce qu'ils ont à cour de rendre compte de leur pratique, d'évaluer l'intérêt et les limites de leur démarche, mais également parce qu'ils en analysent les fondements théoriques et les situent dans le champ des sciences sociales et humaines. Comme praticiens, ils expérimentent sur le terrain des interventions par le récit de vie, qu'ils adaptent en fonction des publics, des demandes, des contextes institutionnels.
Vincent de Gaulejac est professeur de sociologie et directeur du Laboratoire de changement social à l'université Paris 7 et membre fondateur de l'Institut international de sociologie clinique.
Michel Legrand (1945-2006), docteur en psychologie, psychologue clinicien et psycho-sociologue, était professeur à la faculté de psychologie de l'université de Louvain et aux Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur. Il enseignait l'épistémologie de la psychologie clinique et la clinique biographique. Il est décédé subitement alors qu'il mettait la touche finale à cet ouvrage collectif.
Vincent de Gaulejac est professeur de sociologie à l'université Paris-Diderot, président du Réseau international de sociologie clinique et directeur de la collection "Sociologie clinique" aux éditions érès.