Nouvelle édition revue en 1994
« Poésie/Gallimard » est une collection au format poche de recueils poétiques français ou traduits. Chaque volume rassemble des textes déjà parus en édition courante - tantôt du catalogue Gallimard, tantôt du fonds d'autres éditeurs -, souvent enrichis d'une préface et d'un dossier documentaire inédits. Élégant viatique pour les amateurs de poésie, la collection offre des éditions de référence, pratiques et bon marché, pour les étudiants en lettres. Aujourd'hui dirigée par André Velter, poète, voyageur et animateur de plusieurs émissions sur France Culture, la collection reste fidèle à sa triple vocation : édition commentée des « classiques », sensibilité à la création francophone contemporaine (Guy Goffette, Ghérasim Luca, Gérard Macé, Gaston Miron, Valère Novarina...) et ouverture à de nombreux domaines linguistiques (le Palestinien Mahmoud Darwich, le Libanais d'origine syrienne Adonis, le Tchèque Vladimír Holan, le Finnois Pentti Holappa, le Suédois Tomas Tranströmer et récemment l'Italien Mario Luzi, deux mois seulement après sa disparition...).
Comme tant de grands poèmes mallarméens, le présent recueil décrit un combat, la « lutte d'un génie et de la mort ». Ces « éclats » poétiques, que Stéphane Mallarmé rassembla après la mort de son fils Anatole, âgé de huit ans, apparaissent aujourd'hui d'une modernité saisissante. Aucune oeuvre du poète ne possède la qualité brûlante, immédiate, la puissance crue d'émotion que l'on trouve dans ces pages.
L'importante introduction de Jean-Pierre Richard souligne la profondeur, la rigueur de Mallarmé, et met en lumière la subtile cohérence de cette méditation douloureuse.
De tous les poètes du XIXe siècle, Mallarmé est sans doute celui qui s'est le plus tôt et le plus durablement identifié à la destinée de la poésie moderne, une destinée qu'il a vécue comme une aventure intellectuelle et spirituelle hors du commun et qui a fait de lui un pur héros de l'esprit, un chercheur d'absolu : «tout au monde existe pour donner forme à un beau livre».
Nul poète n'a plus simplement et plus radicalement posé la question primordiale de l'écriture, c'est-à-dire de la nature, mais aussi de la raison d'être de ce qui est d'abord, à ses yeux, un acte, et par là même une façon d'être au monde : «Sait-on ce que c'est qu'écrire ? Une ancienne et très vague mais jalouse pratique, dont gît le sens au mystère du coeur.» Cette nouvelle édition vise à donner une structure d'ensemble à une oeuvre éparpillée, restée fragmentaire, inachevée - parfois inachevable - et dont une très grande partie ne fut publiée que de façon posthume. Le premier volume regroupe l'ensemble de l'oeuvre proprement poétique, c'est-à-dire créatrice, de Mallarmé, qu'elle soit en vers ou en prose, achevée ou non. Le deuxième volume présente l'oeuvre en prose. On y trouvera, notamment, l'ensemble des articles non recueillis, La Dernière Mode, les réponses à des enquêtes, les préfaces, toasts, discours, hommages et entretiens, ainsi que deux importantes sections : l'une les traductions, l'autre les ouvrages pédagogiques (parmi lesquels plusieurs étaient encore inédits).
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Mallarmé Poésies et autres textes Avec celles de Baudelaire et de Rimbaud, la figure de Mallarmé domine la modernité poétique qui se constitue à la fin du xixe siècle, et, quoique son oeuvre fût rare, adressée de loin en loin à une élite de lecteurs lentement accrue, « il lui avait suffi, dit Valéry, de quelques poèmes pour remettre en question l'objet même de la littérature ». Un vers nouveau naît avec lui, refermé sur le scintillement réciproque des vocables qui le constituent, une poésie qui donne congé au réel pour en préférer l'évocation pure, un langage qu'on a pu dire obscur mais qui n'est en réalité que le défi lancé aux lecteurs qui sauront, pour eux-mêmes, en déployer secrètement le sens.
Parce que Mallarmé a été aussi bien le plus lucide analyste des états de la poésie, du mystère qui règne dans les lettres, de la crise du vers, et de la séparation radicale que la littérature désormais manifeste à l'égard du langage ordinaire, on ne trouvera pas seulement dans ce volume les Poésies, les poèmes en prose ou bien Un coup de dés, mais quelques-uns des grands textes théoriques qui continuent de marquer si profondément notre époque : c'est-à-dire finalement le parcours d'une vie où l'écrivain, devenu impersonnel, s'efface devant une sorte de religion de l'oeuvre et du Livre à faire.
Edition de Jean-Luc Steinmetz.
De tous les poètes du XIXe siècle, Mallarmé est sans doute celui qui s'est le plus tôt et le plus durablement identifié à la destinée de la poésie moderne, une destinée qu'il a vécue comme une aventure intellectuelle et spirituelle hors du commun et qui a fait de lui un pur héros de l'esprit, un chercheur d'absolu : «tout au monde existe pour donner forme à un beau livre».
Nul poète n'a plus simplement et plus radicalement posé la question primordiale de l'écriture, c'est-à-dire de la nature, mais aussi de la raison d'être de ce qui est d'abord, à ses yeux, un acte, et par là même une façon d'être au monde : «Sait-on ce que c'est qu'écrire ? Une ancienne et très vague mais jalouse pratique, dont gît le sens au mystère du coeur.» Cette nouvelle édition vise à donner une structure d'ensemble à une oeuvre éparpillée, restée fragmentaire, inachevée - parfois inachevable - et dont une très grande partie ne fut publiée que de façon posthume. Le premier volume regroupe l'ensemble de l'oeuvre proprement poétique, c'est-à-dire créatrice, de Mallarmé, qu'elle soit en vers ou en prose, achevée ou non. Le deuxième volume présente l'oeuvre en prose. On y trouvera, notamment, l'ensemble des articles non recueillis, La Dernière Mode, les réponses à des enquêtes, les préfaces, toasts, discours, hommages et entretiens, ainsi que deux importantes sections : l'une les traductions, l'autre les ouvrages pédagogiques (parmi lesquels plusieurs étaient encore inédits).
Éparse, la critique mallarméenne ne découle pas d'une esthétique préétablie. Elle concourt toutefois à en jeter les fondements en ouvrant des perspectives qui semblent étrangères les unes aux autres : l'objet décoratif, la mode, le livre, la peinture, la musique et la danse ont, au même titre, sollicité la réflexion du poète. Celle-ci s'est nouée à l'écart des cénacles artistiques de son temps. Mallarmé a tissé des liens d'amitié partagée avec des peintres (Manet, Whistler, Berthe Morisot...) ; dans sa revue, La Dernière Mode, entièrement conçue et rédigée par lui, il a élaboré peu à peu une esthétique du quotidien, sur laquelle il réglera sa conception de l'image.
De la mode à l'impressionnisme, une même logique se déploie, qui gouverne également l'oeuvre poétique : «Évoquer, dans une ombre exprès, l'objet tu, par des mots allusifs, jamais directs, se réduisant à du silence égal, comporte tentative proche de créer.»
Bertrand Marchal, poursuivant son édition des poésies de Mallarmé, a pu exhumer une bonne douzaine d'inédits. On peut donc considérer qu'il s'agit là d'une édition quasi définitive de ces poésies. Yves Bonnefoy, qui présente ce recueil, nous offre, plus qu'une préface, une réflexion sur la signification d'ensemble de l'entreprise mallarméenne où le vers de circonstance joue en quelque sorte le rôle de premier symptôme dans la crise de la modernité : «Je donnerais les vêpres magnifiques du Rêve, et leur or vierge, pour un quatrain, destiné à une tombe ou à un bonbon, qui fût réussi», écrivait Mallarmé, soulignant ainsi que l'écriture serait d'abord en quête de perfection formelle, en dépit des circonstances de sa création comme de ses destinataires.
"Quatre dieux le considèrent sur son char tiré par des éléphants enguirlandés, et sont extasiés, à la beauté de ce mortel ; ils fondent de la voûte céleste et l'arrêtent au passage." Pour plaire à sa belle amie Méry Laurent, Stéphane Mallarmé réécrit quelques-uns des plus célèbres Contes et légendes de l'Inde ancienne, de l'orientaliste Mary Summer. Avec tout son talent, le poète met en scène une Inde légendaire et mystérieuse, dans laquelle princes et princesses usent d'enchantements et de sortilèges pour parvenir à leurs fins et trouver l'amour.
Une invitation au rêve dans l'Inde éternelle.
Stéphane Mallarmé (1842-1898) est un des plus grands poètes symbolistes. Il est l'auteur de L'après-midi d'un faune et d'Un coup de dés. Professeur d'anglais pour gagner sa vie, il a notamment traduit les Poèmes d'Edgar Allan Poe.
Le monde est fait pour aboutir à un beau livre, parfois à un beau vers:«nuit, désespoir et pierreries», «solitude, récif, étoile». Pour cela, il fallait reprendre à la musique son bien, suggérer, voilà le rêve. Toute la poésie d'une vie est enfermée en un court volume. Les poèmes, denses jusqu'à l'hermétisme, que l'on sait maintenant décrypter, enferment le sens du monde, ou plutôt le suggèrent. Dans ces lettres pour la première fois réunies en entier, on trouvera l'histoire toute simple d'un homme qui a écrit «mon incompétence, je l'exhibe, sur autre chose que l'absolu». À ses amis, il lui est arrivé de révéler le sens de sa recherche, de commenter certains poèmes, de montrer toutes les facettes de son esprit. C'est dans l'espoir de recueillir ces confidences qu'on lit ces lettres. Elles constituent un extraordinaire document sur les réseaux de sociabilité littéraire, en même temps que le meilleur démenti des clichés qui ont encore cours sur la solitude d'un poète résolument hors du monde. Car cette correspondance peut se lire comme une autobiographie poétique, intellectuelle autant que quotidienne. Le poète s'y fait homme du monde en sacrifiant à l'activité épistolaire. Ce faisant, celle-ci témoigne de l'évolution de l'esthétique de Mallarmé et nous fait pénétrer dans les coulisses de l'oeuvre où nous découvrons, parmi d'autres secrets, le principe de fabrication de «L'Azur» ou la genèse du sonnet en -ix. L'humour n'est pas en reste puisque le motif récurrent ici est l'horreur des lettres:Mallarmé écrit une lettre pour dire qu'il n'écrit pas de lettre. Au terme d'une correspondance qui compte plus de trois mille pièces, Mallarmé peut ainsi signer:«Celui qui n'écrit pas de lettres».
Stéphane Mallarmé a exercé le métier de professeur d'anglais, un métier qui l'ennuyait à mort, précise Paul Valéry, et composé quelques ouvrages pour les personnes désireuses d'apprendre la langue, dont ce recueil didactique de thèmes avec leurs corrigés. Ils sont classés par chapitres correspondant chacun à une règle de grammaire, rappelée en ouverture.
"Une proposition qui émane de moi - si, diversement, citée à mon éloge ou par blâme - je la revendique avec celles qui se presseront ici - sommaire veut, que tout, au monde, existe pour aboutir à un livre.
[...] Un solitaire tacite concert se donne, par la lecture, à l'esprit qui regagne, sur une sonorité moindre, la signification : aucun moyen mental exaltant la symphonie, ne manquera, raréfié et c'est tout - du fait de la pensée. La Poésie, proche de l'idée, est Musique, par excellence - ne consent pas d'infériorité."
Un magnifique fac-similé de la collaboration d'époque entre Mallarmé et Manet qui a inspiré la danse la plus célèbre de Nijinsky. En effet, cette oeuvre a servi de base au Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy (1894), qui à son tour a inspiré le ballet de Nijinsky L'après-midi d'un faune, présenté pour la première fois à Paris en 1912, avec Nijinsky dansant le célèbre rôle titre. Il s'agit du monologue d'un faune qui évoque les nymphes et la nature qui l'entoure, dans une succession d'images poétiques.
Tout au long de son oeuvre, Mallarmé a pensé cinq choses distinctes mais intimement liées: la poésie d'abord (à partir d'une réflexion approfondie sur le langage) ; la musique (dont il compara l'essence à celle des Lettres dans un essai célèbre, tout en étant un assidu des concerts et des opéras, comme il ressort de ses réflexions sur Wagner) ; le théâtre (il consacra aussi bien à l'Hamlet de Shakespeare qu'aux représentations et aux acteurs de la scène parisienne de nombreuses réflexions) ; la peinture (il fut l'admirateur et l'ami d'Édouard Manet dont il commenta en laudateur les expositions) ; la politique enfin (sur laquelle débouche, à propos de chaque art mentionné, une part de ses réflexions, non négligeable, mais trop souvent négligée par ses lecteurs).Les textes de Mallarmé dans ces cinq registres, ici rassemblés, aident à mieux entendre et apprécier sa poétique, mais ils valent aussi pour eux-mêmes, d'autant plus que certains sont peu connus ou ne furent pas publiés de son vivant. Il en est proposé une sélection précédée d'une introduction.
Ce recueil donne à lire l'itinéraire poétique de Mallarmé de Poésies (1887) à Un coup de dés (1897), à l'exception des oeuvres de jeunesse. Écartant l'anecdote et recherchant l'impersonnalité, le poète méta morphose progressivement, mais radicalement, le vers français : dans Un coup de dés, chef- d'oeuvre inégalé, le vers éclate et se disperse sur la page, qui se transmue en partition d'orchestre. Le langage poétique est exploité jusqu'à la limite extrême de ses possibilités afin de ramener « le langage humain [ ... ] à son rythme essentiel ». Ainsi la parole retrouve-t-elle son origine sacrée et son pouvoir d'incantation, qui la distinguent de « l'universel reportage ». L'édition critique d'Yves-Alain Favre éclaire l'exigence de la quête poétique mallarméenne.
" Mallarmé, pour gagne-pain, avait choisi l'emploi de professeur d'anglais.
Plus d'un de ses anciens élèves vit encore, dont aucun, que je sache, n'a retiré de ses leçons des fruits certains ? L'enseignement des langues, il y a cinquante ans, n'était point ce qu'il est : il admettait, par-ci par-là, la méthode approximative. Le premier maître que j'ai eu, dans mon collège de province, était un brave homme borgne, qui n'avait, de son oeil unique, jamais vu un Anglais de sa vie.
La prononciation s'en ressentait. Je m'assure que les choses ont beaucoup changé depuis lors. Les rapports de Mallarmé avec sa fonction étaient difficiles. Toutefois, avant qu'il se soit dépris jusqu'au dégoût de sa besogne professionnelle, Mallarmé avait prononcé quelques tentatives d'accommodement avec la pédagogie. Il eut l'idée de composer quelques ouvrages destinés aux personnes qui veulent apprendre l'anglais.
Il pouvait s'en promettre un double avantage : d'abord, celui d'accroître un peu ses ressources ; ensuite, il pensait exposer ses vues personnelles sur la langue anglaise et une certaine méthode pour en acquérir la connaissance. ", Paul Valéry, 1937.
Ce cinquième tome de la correspondance de Mallarmé contient les lettres retrouvées jusqu'ici, écrites par Mallarmé et reçues par lui entre le début janvier et la fin décembre 1892, avec, en supplément, les lettres retrouvées depuis la publication du tome IV, et qui jalonnent les années qui vont de 1862 à 1891. Soit 188 lettres de l'année 1892 et 191 lettres qui complètent les quatre premiers tomes, un total de 379 lettres, dont la moitié environ sont inédites. Parmi les destinataires de l'année 1892, on peut citer Élémir Bourges, Henri Cazalis, François Coppée, Léon Dierx, Édouard Dujardin, Max Elskamp, Stefan George, André Gide, Vincent d'Indy, Leconte de Lisle, Pierre Louÿs, Eugène Manet et Berthe Morisot, Roger Marx, Octave Mirbeau, Albert Mockel, Claude Monet, Henri de Régnier, Auuguste Renoir, Georges Rodenbach, Auguste Rodin, J.-H. Rosny, Émile Verhaeren, Whistler, Émile Zola...
Ce septième tome de la Correspondance de Mallarmé contient les lettres actuellement retrouvées, écrites par Mallarmé et reçues par lui de la fin juillet 1894 jusqu'à la fin décembre 1895. Les loisirs, relatifs, de la retraite permettent au poète, et sa notoriété lui impose, une activité épistolaire grandissante. Comme dans le tome VI, l'équivalent de presque quatre lettres par semaine a été conservé, permettant de dresser un calendrier à peu près complet d'un emploi du temps de plus en plus chargé. Mallarmé dispose théoriquement de tout son temps; ce temps est dévoré par des sollicitations de plus en plus nombreuses, de plus en plus impérieuses:obligations mondaines, démarches charitables ou secourables, services rendus à des confrères et à de jeunes écrivains, devoirs de politesse dont Mallarmé s'acquitte avec exactitude et avec élégance. Mallarmé trouve néanmoins (et surtout à Valvins) le temps de méditer et même d'écrire:voici une des périodes les plus fécondes de sa trop courte vie. Il lance dans Le Figaro l'idée, alors chimérique, aujourd'hui redevenue d'actualité, du « fonds littéraire», ou domaine public payant, alimentant une sorte de Caisse nationale des Lettres. Accueilli avec enthousiasme par les littérateurs, l'article provoque un tollé presque universel parmi les éditeurs. Mallarmé multiplie ses vers de circonstance, et publie plusieurs poèmes importants. Il donne à l'éditeur Deman le manuscrit de ses Vers; le volume ne paraîtra qu'après sa mort. Son activité capitale est sa collaboration régulière à La Revue blanche:il y publie, sous la rubrique générale Variations sur un sujet, en une suite de dix articles ou poèmes critiques, la somme de ses méditations sur «le Livre, instrument spirituel». Ce testament esthétique formera le noyau central du futur volume Divagations. Contesté par certains, Mallarmé ne manque pas de défenseurs. Dès novembre 1894, André Gide note:«Nous n'avons aujourd'hui pas de plus grand poète.»
Ce pénultième tome de la Correspondance de Mallarmé contient plus de 300 lettres écrites par lui et plus de 300 lettres reçues, au cours des 300 jours de janvier à novembre 1897. Elles permettent de revivre jour par jour, presque heure par heure, la vie du poète. Le plus sociable des solitaires, Mallarmé accomplit avec virtuosité et avec bonne grâce les multiples obligations mondaines, amicales et littéraires que lui crée un réseau grandissant de relations. La publication, en janvier, de Divagations lui vaut deux gestes d'hommage des Mardistes:un dîner chez le Père Lathuille, la remise par ses disciples et ses confrères d'un album de vers et de prose. Mais la vie de Paris le lasse de plus en plus. Ses cartes de visite indiquent désormais:«De mai en novembre, Valvins près Fontenaibleau», programme qu'il réalise, sauf de brefs retours à Paris, pour présider le Comité Verlaine, revoir des amis, ou chercher sa femme et sa fille, attardées dans la capitale. Valvins lui donne la forêt et le fleuve; sa solitude y est mitigée par sa correspondance quotidienne et charmante avec Geneviève, par des visites d'amis (Rodin, Valéry, Whistler - qui fait le portrait de Geneviève), par de fugitives apparitions de Julie Manet et de ses cousines Paule et Jeannie Gobillard, par la vigilante amitié des Dujardin, par le voisinage de Marcel Schwob et de Marguerite Moreno, et surtout par la venue de Méry Laurent au printemps, descendue à l'auberge des Plâtreries:il lui offre à déjeuner à Valvins et lui fait admirer la maison, il la promène pendant deux jours au château et en forêt - elle part enthousiasmée. Le grand travail de l'année est Un Coup de Dés, publié en mai dans la revue Cosmopolis, et confié ensuite par Mallarmé à la maison Didot, en vue d'une édition illustrée par Odilon Redon que projette Ambroise Vollard. Mallarmé en distribue des épreuves à ses amis, Mauclair, Gide et d'autres, dont surtout Valéry, qui dira:«Il a essayé d'élever enfin une page à la puissance du ciel étoilé...»
Ce dixième tome de la Correspondance de Mallarmé nous mène jusqu'à la mort du poète. Les quelque quatre cents lettres échangées avec une centaine de correspondants montrent, dans son ultime épanouissement, son génie pour l'amitié. Il s'arrache à son cher Valvins automnal pour appuyer Whistler et Paul Margueritte dans leurs procès. L'affaire Dreyfus l'afflige, mais il salue «la sublimité qui éclata» dans l'acte de Zola, condamné pour sa lettre «J'accuse». Après le refus du Balzac par les Gens de Lettres, il assure Rodin que «rien ne touche à la sérénité grandiose de l'oeuvre». Il remercie une cinquantaine d'auteurs d'une soixantaine de livres envoyés. Les derniers Mardis réunissent les plus fidèles ; Julie Manet et ses cousines Paule et Jeannie Gobillard y viennent. Aux dîners en ville, Mallarmé préfère les expositions et les concerts, Lamoureux et autres. Il assiste aux Maîtres Chanteurs de Wagner, aux Samedis populaires de poésie de l'Odéon (où l'on récite de ses poèmes), aux récitals de Georgette Leblanc. Dès avril, il regagne Valvins ; il reprend, avec Geneviève, dans des lettres presque quotidiennes, la chronique enjouée et vivante de leur vie. Début juin, il ramène Marie et Geneviève à Valvins. Il y reçoit des amis, dont Valéry, Whistler et Octave Uzanne («La Cagoule»), qui lui consacre une chronique charmante. Mallarmé publie son dernier sonnet («Au seul souci de voyager»...). Après un été torride et fatigant, la mort le surprend en plein travail sur Hérodiade, qu'li avait repris en mai. Il avait cinquante-six ans. Une centaine de lettres de condoléance, publiées ici, confirment l'affection et la vénération de ses amis et disciples. Fin août, répondant à une enquête du Figaro, il avait affirmé : «Suffisamment, je me fus fidèle, pour que mon humble vie gardât un sens.» Un onzième et dernier tome contiendra une centaine de lettres retrouvées depuis 1979 (dont certaines capitales), des Errata et addenda, et un Index général.