?En 1937, dans L'Évidence poétique, Eluard écrivait : « Depuis plus de cent ans, les poètes sont descendus des sommets sur lesquels ils se croyaient. Ils sont allés dans les rues, ils ont insulté leurs maîtres, ils n'ont plus de dieux, ils osent embrasser la beauté et l'amour sur la bouche, ils ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse et, sans se rebuter, essaient de lui apprendre les leurs. » Ainsi, dans cette anthologie de citations qui date de 1942, il affirme une nouvelle fois cette conception d'une poésie qui accueille aussi bien la parole involontaire, souvent populaire, fruit du hasard dans lequel le dire dépasse le « vouloir dire », et la parole intentionnelle où affluent les images, les combinaisons nouvelles, les jeux de répétitions et échos sémantiques. Un dialogue est ainsi ouvert entre les tenants de ces deux paroles, abolissant toute conception bourgeoise de la poésie et confirmant l'optimisme Eluardien en une fraternité à laquelle il aspire.
La particularité de ce recueil tient également en son dispositif de lecture : selon un ordre chronologique, en page de gauche (paire) s'affiche la poésie involontaire, en page de droite (impaire), la poésie intentionnelle. Voisinent de la sorte - et parmi d'autres - le facteur Cheval et Léon-Paul Fargue, Jacques Rigaut et Blaise Cendrars, la Religieuse portugaise et Salvador Dalí. À noter : les écrivains les plus prestigieux sont parfois classés parmi les poètes involontaire, tels Honoré de Balzac ou Dickens qui rejoignent Dame Tartine et Nicolas Flamel. Une anthologie très personnelle donc, où humour et scandale font toujours bon ménage.
Les textes réunis dans cet ouvrage, publié pour la première fois en 1963 puis réédité en 2008 et aujourd'hui, complètent l'art poétique de Paul Eluard intitulé Donner à voir. Ils couvrent une période de trente ans, de 1920 à 1952, année de la mort du poète.
Le Poète et son ombre est composé de textes provenant de plaquettes à tirage limité, de catalogues rares, de revues aujourd'hui introuvables. Il s'agit essentiellement de notes sur la poésie, de prières d'insérer pour des livres d'amis, de préfaces à des expositions de peintres, de fragments de conférences. Ordonnés sur un mode chronologique, ces textes suivent l'itinéraire d'Eluard, de la Révolution surréaliste à son engagement pour la paix, la justice et la liberté.
Les critiques ont souvent parlé de la « magie poétique » d'Eluard, dont la puissance d'enchantement, l'étonnante pureté, la transparence leur paraissaient inexplicables. La même remarque pourrait être faite à propos des textes qui composent Le Poète et son ombre. Lorsqu'il parle de ses amis poètes ou des peintres qu'il aime, Eluard s'exprime avec naturel et sait donner le sentiment de l'évidence. « L'écoutant, on laisse tomber ses armes... », disait Francis Ponge. Le texte critique est l'ombre portée d'une lumière.
Ce volume, devenu un classique incontournable de la poésie sentimentale et érotique, rassemble les poèmes de Paul Eluard dédiés à l'amour, écrits durant les dix dernières années de sa vie : Une longue réflexion amoureuse (1945), Le Dur Désir de durer (1946), Le temps déborde (1947), Corps mémorable (1948) et Le Phénix (1951). Moderne et lyrique, Eluard choisi le vers libre, exempt de toute ponctuation, pour chanter la femme divinisée et déclarer sa flamme à ses muses et compagnes, de Nusch à Dominique, en passant par Jacqueline. Comme le note Jean-Pierre Siméon dans la préface, Derniers poème d'amour est l'« un des opus sacrés de l'adolescence, un bréviaire insolent où puiser, à chaque instant d'ombre et d'abandon, telle ou telle de ces formules dont la jeunesse a besoin pour oser le pas... »
Voici enfin réédité, sous sa forme originale, l'un des livres les plus singuliers de Paul Eluard : Le Poète et son ombre. Les textes rassemblés ici nous donnent à voir la face critique du génie d'Eluard. Les premiers ont été écrits en 1920, en pleine période dadaïste ; les derniers datent de 1952, année de la mort du poète. Ils proviennent de plaquettes à tirage limité, de catalogues rares, de revues aujourd'hui introuvables. Ce sont des notes sur la poésie, des " prière d'insérer " pour des livres d'amis, des préfaces à des expositions de peintres, des fragments de conférences. Cet ensemble est accompagné de documents iconographiques que bien des lecteurs découvriront pour la première fois : photographies, collages, manuscrits de poèmes, pages d'agenda, cartes postales, assiettes peintes ou gravées, tableaux surréalistes, frontispices de premières éditions, dédicaces à Gala, Pablo Picasso ou Salvador Dali..., sans oublier une caricature d'Eluard en Mathurin Popeye ! Ce livre pourrait paraître hétéroclite s'il n'était traversé par un même regard clair et généreux : celui que Paul Eluard porte sur la poésie.
Dans L'Immaculée Conception, en 1930, Paul Eluard et André Breton offraient cinq variations autour des délires recensés par la psychiatrie pour démontrer qu'il n'y avait pas de frontière entre le langage des prétendus fous et celui des poètes, sauf aux yeux de la société. En novembre 1943, lorsque Eluard est accueilli à Saint-Alban par Lucien Bonnafé, les temps ont changé : l'euphorie et les provocations du surréalisme sont loin, la France est occupée, la poésie doit s'engager. Face aux fous de l'asile public départemental de Lozère, aux aliénés atteints cette fois réellement de débilité mentale, de manie aiguë, de paralysie générale, de délire d'interprétation ou de démence précoce, Eluard se fait confident, interlocuteur. Rappelons-nous que le poète du lyrisme amoureux est aussi le poète de l'indignation face aux injustices et de la compassion envers les malades des sanatoriums, les soldats du front, les femmes tondues de l'après-guerre et de toutes les misères du monde.
Dans ce long poème composé de sept parties et d'un épilogue, " Le Cimetière des fou ", il dresse sept portraits de malades servis par les dessins poignants de Gérard Vulliamy, artiste peintre graveur proche du surréalisme et futur gendre du poète. Empreints d'une profonde empathie, ces textes font résonner des voix : celle du poète confronté au mystère impénétrable de l'esprit perdu, " chantant la mort sur les airs de la vie ", ou celle des fous en proie aux hallucinations, à des absences ou à de rares éclairs de lucidité. " Le mannequin en croix est-il un homme ou moi ? " s'interroge une jeune femme triste ; " Peut-être aurais-je pu cacher cette innocence qui fait peur aux enfants ? " laisse entendre une vieille dame dont " un mur de regret cerne l'existence ".
Saint-Alban, berceau de la psychiatrie institutionnelle, fut le premier lieu en France à offrir une prise en charge thérapeutique aux fous devenus des patients - à une époque de restrictions qui allait voir mourir de faim la moitié de la population des asiles, soit quarante mille personnes. De la même façon, à travers ce texte, Eluard arrache ces individus à une solitude carcérale et les rend à leur humanité. À notre époque, à l'heure de l'inflation sécuritaire dans les hôpitaux psychiatriques, ses Souvenirs de la maison des fous nous rappellent plus que jamais à notre esprit et à notre humanisme.
Lorsqu'il envoie sa première lettre à ses parents en 1911, le jeune Grindel est âgé de seize ans. D'une santé fragile et atteint d'une sévère affection des bronches, il est bientôt envoyé au sanatorium de Clavadel en Suisse où, bien que très amaigri, il ne pense qu'à ses livres restés à Paris et à la publication de sa prochaine plaquette. Car, dans ces lettres destinées à sa famille et à son ami relieur et éditeur A. J. Gonon, le jeune homme apparaît en plein éveil artistique, littéraire et même amoureux : en cure, il a rencontré une petite Russe, qu'il dit " semblable à lui " et qu'il baptisera bientôt du nom de Gala. Chez lui, quelques soient les conditions d'existence, le désir de découverte et de lecture semble intarissable. Un aigle plane dans le ciel qui surplombe la colline ? Il le suit sur des kilomètres pour mieux le photographier. Une revue encore confidentielle lance son premier numéro ? Il donne des instructions pour se le procurer sans délai. André Spire publie un nouveau recueil ? Il le lit et le fait lire autour de lui, jusqu'au prêtre de l'hôpital militaire dont il ambitionne de faire un " curé futuriste ou cubiste ". Un brin dandy, il a déjà entrepris sa collection de cartes postales et affiche une confiance insolente lorsqu'il adresse ses poèmes à Paul Fort. Plein de vie et d'allant, plein de certitudes aussi, le jeune homme se trouve précipité en 1914 dans la Grande Guerre alors même qu'il commence à signer ses lettres de son futur nom de plume : Paul Eluard. Sa formation d'homme sera donc assurée par les livres autant que par le conflit qui s'enlise pendant plus de quatre années. Car, si l'" on est puceau de l'horreur comme on l'est de la volupté " (Céline), Eluard va être violemment déniaisé par son passage dans différents hôpitaux, en tant que soignant et patient, mais aussi dans le 40e bataillon d'infanterie ou l'administration militaire. La guerre, dans ses lettres, n'apparaît qu'au travers des mesures de survie qu'elle impose - colis de nourriture et de livres - mais imprime son caractère d'urgence dans chacun des choix du jeune homme : le mariage avec Gala et les premiers poèmes antimilitaristes. Au terme de cette période, et malgré les allers-retours constants entre le front et l'arrière, Eluard a déjà rencontré ceux qui deviendront ses amis et avec qui il jouera un si grand rôle : Jean Paulhan, Max Ernst, Louis Aragon, André Breton, Tristan Tzara. La correspondance s'achève sur la fin des combats et le retour à Paris où, en 1920, le mouvement Dada fait ses premiers pas...
Dans L'Immaculée Conception, en 1930, Paul Eluard et André Breton offraient cinq variations autour des délires recensés par la psychiatrie pour démontrer qu'il n'y avait pas de frontière entre le langage des prétendus fous et celui des poètes, sauf aux yeux de la société. En novembre 1943, lorsque Eluard est accueilli à Saint-Alban par Lucien Bonnafé, épisode auquel fait allusion Xavier Donzelli dans Les Messagers également publié en janvier 2023 chez Seghers, les temps ont changé : l'euphorie et les provocations du surréalisme sont loin, la France est occupée, la poésie doit s'engager. Face aux fous de l'asile public départemental de Lozère, aux aliénés atteints cette fois réellement de débilité mentale, de manie aiguë, de paralysie générale, de délire d'interprétation ou de démence précoce, Eluard se fait confident, interlocuteur. Rappelons-nous que le poète du lyrisme amoureux est aussi le poète de l'indignation face aux injustices et de la compassion envers les malades des sanatoriums, les soldats du front, les femmes tondues de l'après-guerre et de toutes les misères du monde.
Dans ce long poème composé de sept parties et d'un épilogue, « Le Cimetière des fou », il dresse sept portraits de malades servis par les dessins poignants de Gérard Vulliamy, artiste peintre graveur proche du surréalisme et futur gendre du poète. Empreints d'une profonde empathie, ces textes font résonner des voix : celle du poète confronté au mystère impénétrable de l'esprit perdu, « chantant la mort sur les airs de la vie », ou celle des fous en proie aux hallucinations, à des absences ou à de rares éclairs de lucidité. « Le mannequin en croix est-il un homme ou moi ? » s'interroge une jeune femme triste ; « Peut-être aurais-je pu cacher cette innocence qui fait peur aux enfants ? » laisse entendre une vieille dame dont « un mur de regret cerne l'existence ».
Saint-Alban, berceau de la psychiatrie institutionnelle, fut le premier lieu en France à offrir une prise en charge thérapeutique aux fous devenus des patients - à une époque de restrictions qui allait voir mourir de faim la moitié de la population des asiles, soit quarante mille personnes. De la même façon, à travers ce texte, Eluard arrache ces individus à une solitude carcérale et les rend à leur humanité. À notre époque, à l'heure de l'inflation sécuritaire dans les hôpitaux psychiatriques, ses Souvenirs de la maison des fous nous rappellent plus que jamais à notre esprit et à notre humanisme.
Adressées entre 1912 et 1920 à ses parents et à son premier grand ami, le relieur et éditeur A.-J. Gonon, ces Lettres de jeunesse témoignent de la précoce vocation de poète de Paul Eluard. En 1912, il a seize ans quand il quitte l'école pour aller soigner sa tuberculose au sanatorium de Clavadel, en Suisse. C'est là, dans cette station cosmopolite des Alpes, qu'il rencontre une jeune fille russe du nom de Gala. Elle va faire basculer son existence.
Au fil des lettres se lisent l'épreuve de la maladie, et la terrible expérience de la guerre : en 1914, Paul est mobilisé, ainsi que son père. Il sera infirmier au front, puis, à sa demande, servira comme combattant avant d'être de nouveau hospitalisé. Il publie plusieurs recueils de poèmes. Sa révolte face à la misère, à la souffrance, au malheur s'accompagne de cette découverte de la solidarité dans le bonheur qui ne se démentira jamais.
« J'ai eu longtemps un visage inutile, Mais maintenant, J'ai un visage pour être aimé, J'ai un visage pour être heureux. » Extrait d'une lettre à A.-J. Gonon, le 13 novembre 1918.
Publié clandestinement en 1942, traduit en dix langues et parachuté par la RAF sur l'Europe occupée, « Liberté » de Paul Eluard est un poème mythique : avec ses vingt et un quatrains, il a la ferveur d'une déclaration d'amour et la force d'un mot d'ordre. En novembre 2016, « Liberté j'écris ton nom », le poème de Paul Eluard illustré par Fernand Léger, reparaît chez Seghers à l'identique de l'édition originale, datée de 1953.
Tandis que nous nous apprêtons à rendre hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, la « liberté » scandée par Eluard apparaît plus que jamais comme un leitmotiv, un mot de rassemblement généreux, optimiste, qui va bien au-delà des clivages politiques, sociaux et religieux. Celui qui clame « Liberté, j'écris ton nom » invoque toute une histoire de luttes et de sacrifices - celle de nos aînés -, mais affirme aussi le désir de se sentir vivant, humain, aspirant au bonheur. Dans ce contexte troublé, il nous a semblé important que cette oeuvre soit de nouveau disponible, dans une belle édition, soignée et accessible au plus grand nombre.
La légende raconte que c'est afin de « tuer le temps » que Breton et Éluard se lancèrent, en août 1930, dans l'écriture de ce recueil intitulé, avec un sens aigu de la provocation, L'Immaculée Conception. « La connaissance parfaite que nous avions l'un de l'autre nous a facilité le travail, diront-ils plus tard. Mais elle nous incita surtout à l'organiser de telle façon qu'il s'en dégageât une philosophie poétique. » Dans ce recueil en prose, se trouve ainsi réunies les deux tendances qu'incarnent Breton et Eluard au sein même du mouvement surréaliste - le premier, ardent défenseur de l'écriture automatique la plus baroque, le second, plus incliné à une certaine transparence poétique, une évidence qui désarme le lecteur. Ici, leur volonté commune est affichée : à travers une parole radicalement nouvelle, ils entendent partir en quête de la Vérité même, le désir mystérieux qui sous-tend toute existence humaine. À noter trois pages mémorables en guise de Kama-Sutra littéraire et « Le Jugement originel », renouant avec la forme proverbiale chère aux deux auteurs, qui incite à bannir toute tiédeur dans la vie comme dans l'art.
Publié clandestinement en 1942, traduit en dix langues et parachuté par la RAF sur l'Europe occupée, « Liberté » de Paul Eluard est un poème mythique : avec ses vingt et un quatrains, il a la ferveur d'une déclaration d'amour et la force d'un mot d'ordre. En novembre 2016, « Liberté j'écris ton nom », le poème de Paul Eluard illustré par Fernand Léger, reparaît chez Seghers à l'identique de l'édition originale, datée de 1953.
Tandis que nous nous apprêtons à rendre hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, la « liberté » scandée par Eluard apparaît plus que jamais comme un leitmotiv, un mot de rassemblement généreux, optimiste, qui va bien au-delà des clivages politiques, sociaux et religieux. Celui qui clame « Liberté, j'écris ton nom » invoque toute une histoire de luttes et de sacrifices - celle de nos aînés -, mais affirme aussi le désir de se sentir vivant, humain, aspirant au bonheur. Dans ce contexte troublé, il nous a semblé important que cette oeuvre soit de nouveau disponible, dans une belle édition, soignée et accessible au plus grand nombre.