Des naufragés jetés par la tempête dans l'île des Esclaves sont obligés, selon la loi de cette république, d'échanger leurs conditions : de maître, Iphicrate devient l'esclave de son esclave Arlequin, et Euphrosine, de maîtresse, devient l'esclave de son esclave Cléanthis. Mais cet échange ne fait que remplacer une oppression d'usage et de tradition par une oppression de rancune et de vengeance. Seule la transformation des coeurs peut rendre l'inégalité des rangs acceptable et juste en faisant reconnaître par tous l'égalité des âmes. Cette transformation est l'oeuvre d'Arlequin, qui pardonne à son maître, lui rend son pouvoir, et dont la générosité est contagieuse. L'Île des Esclaves, comédie rapide et intense, où triomphe Arlequin, réunit, comme souvent chez Marivaux, la bouffonnerie et le sublime.
Pour sonder la sincérité de Dorante, qu'on lui destine sans qu'elle l'ait jamais rencontré, Silvia échange son habit avec sa servante Lisette. Mais la belle ignore que son prétendant a recours au même stratagème avec son valet. Ainsi travestis, les deux couples commencent à se parler d'amour, dans un chassé-croisé qui réjouit les serviteurs et met les maîtres à la torture.TOUT POUR COMPRENDRE- Notes lexicales- Biographie de l'auteur- Sources et genre de l'oeuvre- Pour mieux interpréter- ChronologieTOUT POUR RÉUSSIR- Questions sur l'oeuvre- Un livre, un film- Sujets de devoirsGROUPEMENTS DE TEXTES- Le discours amoureux:les obstacles à la sincérité- Théâtre et travestissement- La question du bonheur, au coeur de la pensée des Lumières- Du texte à la représentationCAHIER ICONOGRAPHIQUE.
Le valet Dubois entreprend d'orchestrer le mariage de son ancien maître, Dorante, avec Araminte, une riche veuve que celui-ci aime secrètement. Parviendra-t-il, par le pouvoir de la parole - manipulatrice, mensongère, fabulatrice -, à obtenir qu'Araminte s'éprenne à son tour de son soupirant ? ... Placée sous le signe du langage, de ses subtilités et de ses stratagèmes, Les Fausses Confidences (1737) est une pièce virtuose, où l'amour se cherche et se conquiert par la force des mots.
1. Le théâtre à Paris en 1737 2. Marivaudage et langage 3. Parole, vérité et mensonge : l'art du stratagème dans Les Fausses Confidences 4. Parole et amour dans le théâtre de Marivaux 5. L'amour, l'argent 6. Le personnage de la veuve 7. Le point de vue des metteurs en scène
Lucile et Damis sont promis l'un à l'autre par leurs pères. Mais ni l'un ni l'autre n'a de penchant pour le mariage. S'ils font alliance, c'est pour déjouer le projet de leurs pères : ils se font le serment de ne pas s'épouser. C'est toutefois ignorer les surprises de l'amour et la confusion des sentiments, ceux qu'on peut se mettre à éprouver pour l'autre, ou ceux que l'autre peut se mettre à éprouver de son côté. Feignant d'aimer Phénice, la soeur de Lucile, pour contrecarrer le premier projet de mariage, et se faisant aimer d'elle, Damis est pris au piège de ses engagements mensongers. C'est sans compter sur les ruses de Frontin, son valet, et de Lisette, la servante de Lucile, qui, désireux pour leur part de convoler en justes noces, vont tout faire pour conduire leurs maîtres à renoncer à leur premier serment.
Le Prince travesti, L'Ile des Esclaves, Le Triomphe de l'Amour : trois pièces sur le masque, sur le travestissement. Se déguiser en sujet quand on est Prince (Le Prince travesti), jouer au Maître quand on est valet (L'Ile des Esclaves), se travestir en homme quand on est une Princesse (Le Triomphe de l'Amour) : trois formes de mascarade. La mascarade est jeu, libération : elle est l'essence même du théâtre. C'est aussi le moyen de susciter le rêve d'un monde plus clair et plus joyeux, dans lequel le rire aurait la vertu de se rire des vertus composées et compassées. Un rêve aussi peu sérieux - et aussi grave - que le théâtre.
Texte intégral.
«Marivaux nous montre, et la description en est trop sensible pour ne pas correspondre à une réalité, une société où l'amour est repris aux dieux et aux démons brutaux de l'amour et rendu en toute propriété à l'amoureux et à l'amoureuse. [... ] Le débat du héros et de l'héroïne n'est pas le jeu d'une coquetterie ou d'une crise, mais la recherche d'un assentiment puissant qui les liera pour une vie commune de levers, de repas et de repos.» Jean Giraudoux.
Dorante aime la Comtesse mais cette dernière semble de plus en plus séduite par le Chevalier Damis, lequel, jusque-là, n'avait d'yeux que pour la Marquise. Des crises semblables éclatent parmi leurs domestiques. La Marquise imagine alors un stratagème, qu'elle expose à Dorante : il leur suffit de faire croire à la Comtesse qu'ils sont tombés amoureux l'un de l'autre et qu'ils envisagent même le mariage, ce qui ne devrait pas manquer de faire réagir la jeune femme. Le stratagème de la Marquise se révèle « heureux » puisque, après bien des volte- face, tout finit par rentrer dans l'ordre, chez les domestiques comme chez les maîtres. Dorante regagne le coeur de la Comtesse tandis que la Marquise déclare au Chevalier qu'elle lui accordera, dans six mois peut-être, sa grâce et son pardon.
C'est une pièce sur le travesti et la séduction, sur les erreurs de la passion, dues à la vanité, à la légèreté, à la coquetterie, à l'amour-propre.
Pour vaincre les ennemis de son amour, l'héroïne mène sur trois fronts trois intrigues de séduction. mais le sentiment véritable est toujours victorieux, car il est dévouement lucide à autrui. le triomphe est celui de l'amour vrai sur le faux. au centre le la pièce, un admirable dialogue entre un homme amoureux qui refuse d'aimer et une jeune fille qui brûle d'admiration pour cet homme déchiré. jamais marivaux n'avait mis autant de complexité au service d'un dénouement si simple.
" bonheur du texte, bonheur et plaisir de la salle ", jean vilar en a tout dit en trois mots.
Marivaux est aussi grand dans le roman qu'au théâtre.
Il fait ici le tableau d'une destinée, et montre tous les aspects du génie féminin opposés à la froide raison. dans cette autobiographie fictive, les scènes attendrissantes, le goût des larmes se manifestent déjà. les faits ne sont que prétextes aux aventures spirituelles.
L'héroïne, de noble origine, enlevée par des brigands, connaît d'abord une condition modeste. prise entre les avances excessives des uns et l'amour des autres, que lui arrive-t-il ? les événements, les analyses, les portraits, la peinture des moeurs, aussi bien aristocratiques que populaires, font le charme de ce grand roman, et de marianne elle-même : ici, tout est esprit, romanesque et beauté.
" nous autres jolies femmes, car j'ai été de ce nombre, personne n'a plus d'esprit que nous, quand nous en avons un peu : les hommes ne savent plus alors la valeur de ce que nous disons ; en nous écoutant parler, ils nous regardent, et ce que nous disons profite de ce qu'ils voient.
Venu à Paris de sa Champagne natale, brillant de jeunesse et de santé, Jacob découvre auprès de jolies femmes le plaisir de vivre et le fait découvrir à une dévote un peu mûre qui a préservé pour lui ses succulences. Le garçon s'émerveille devant le monde ouvert à sa faculté de bonheur : peut-on se raffiner sans se corrompre, séduire sans être trompeur, s'enrichir sans être injuste et parvenir sans être intrigant ? L'ardeur d'exister et l'appétit de jouir garderont-ils leur innocence ? Parvenu par les femmes, mi-Tom Jones, mi-Julien Sorel, Jacob est le plus ambigu des personnages de Marivaux et qui aurait sa place dans Les Liaisons dangereuses.
LÉLIO :
Depuis que j'ai quitté les États de mon père, et que je voyage sous ce déguisement pour hâter l'expérience dont j'aurai besoin, si je règne un jour, je n'ai fait nulle part un séjour si long qu'ici, à quoi donc aboutira-t-il? Mon père souhaite que je me marie, et me laisse le choix d'une épouse. Ne dois-je pas m'en tenir à cette Princesse? Elle est aimable, et si je lui plais, rien n'est plus flatteur pour moi que son inclination ; car elle ne me connaît pas. N'en cherchons donc point d'autre qu'elle ; déclarons-lui qui je suis, enlevons-la au Prince de Castille qui envoie la demander. Elle ne m'est pas indifférente ; mais que je l'aimerais sans le souvenir inutile que je garde encore de cette belle personne que je sauvai des mains des voleurs.
(Acte I, scène IV)
On a souvent défini l'art de Marivaux comme celui de «peser des oeufs de mouche dans des balances de toile d'araignée». Pourtant, parmi les écrivains du XVIIIe siècle, avant Rousseau, c'est Marivaux qui a le mieux dénoncé l'exclusion sociale et l'aliénation. Réflexions sur les conditions d'exercice de la liberté, ses pièces mettent en question des pouvoirs qui paraissaient assez généralement fondés en nature : le pouvoir du père ou de la mère tel qu'on le concevait sous l'Ancien Régime, celui des maîtres sur leurs valets, celui des hommes sur les femmes. Il n'est donc pas surprenant que ce théâtre libérateur donne la première place à l'analyse de la phase initiale de l'amour - lorsqu'il émerge à la conscience dans une atmosphère de trouble, de plaisir et de peur. Car chez Marivaux, l'amour souffle où il veut. Cause de bouleversements et de souffrances, il révèle la fragilité et la résistance des êtres pour devenir, lorsque le jeu des masques laisse apparaître la nudité des coeurs, le signe d'une immense liberté.
De Marivaux, on ne voit souvent qu'un aspect, une formule dont il reste la victime. On ne le trouve pas sérieux. Il passe de la malice à la tendresse, de l'esprit à l'émotion, des valets aux princes, des coeurs innocents aux vieilles débauchées. Pourtant, analyste du coeur, moraliste, peintre des milieux les plus variés, Marivaux sait nous toucher par une sensibilité qui ose prendre une forme plus rare - qui n'avoue pas son nom ou semble l'ignorer. Son théâtre consiste à faire surgir et à rendre lumineux ce qui se cache sous la routine et les convenances. Marivaux est un inlassable inventeur d'épreuves. On pourrait fort bien voir en lui quelque suprême manipulateur. Marivaux explore les zones indistinctes entre le rêve et la réalité, les instants de théâtre dans le théâtre et ceux où plus personne ne sait très bien si tel personnage fait semblant ou non. Proche de Pirandello, qui a construit son oeuvre sur la proclamation du triomphe du théâtre sur la vie et du caractère universel du masque, Marivaux, dramaturge, reste, encore aujourd'hui, à découvrir.
Les pièces en un seul acte étaient un divertissement offert au public en fin de spectacle, après la représentation d'une tragédie ou d'une grande comédie.
Marivaux sut faire de leur nécessaire brièveté un moyen d'intensité dans l'action et de profondeur dans l'analyse sociale, morale et psychologique, dans ce qu'on appelait la connaissance du coeur humain. les sincères et les acteurs de bonne foi ne sont pas seulement l'oeuvre d'un dramaturge adroit et d'un observateur perspicace, mais celle d'un moraliste, d'un penseur qui réfléchissait sur l'histoire des nations, sur l'évolution de l'humanité, comme sur les avatars du coeur, aussi comique à sa façon qu'un molière, aussi dense et énergique qu'un la rochefoucauld, qui avait bien noté, avant les sincères, les illusions et les mensonges de la sincérité, et aussi pénétrant qu'un montaigne, qui avait su, avant l'auteur des acteurs de bonne foi, que " la plupart de nos vacations sont farcesques ".
Frédéric Deloffre présente en un volume les oeuvres de jeunesse de Marivaux : Les Aventures de... ou les effets surprenants de la sympathie, La Voiture embourbée, Pharsamon, Le Bilboquet, Le Télémaque travesti, L'Homère travesti.
Bien que certaines d'entre elles n'aient jamais été rééditées depuis le début du XVIIIe siècle, ces oeuvres d'un grand intérêt seront pour le lecteur une véritable découverte.
Afin de connaître qui, de l'homme ou de la femme, fut à l'origine de l'infidélité, le prince d'un royaume imaginaire se livre à une bien curieuse expérience.
Quatre enfants, deux garçons et deux filles, sont élevés loin de toute civilisation, en des maisons séparées, de sorte qu'ils ne se sont jamais vus.
18 ans ont passé, et le rideau se lève : «On peut regarder le commerce qu'ils vont avoir ensemble comme le premier âge du monde ; les premières amours vont recommencer, nous verrons ce qui en arrivera»...
La dispute et L'île des Esclaves, comédies en un acte parmi les plus abouties du répertoire de Marivaux, nous font entrevoir toute la modernité d'une langue triomphante unissant le coeur à l'esprit.
Ces pièces sont éclairées par le commentaire de Jean Goldzink et des références à la mise en scène de«La Dispute»par Patrice Chéreau.
"Marivaux fut d'abord romancier. Car on peut négliger sans dommage la comédie qu'il écrivit en vers, à dix-huit ans, pour la belle société de Limoges. Quelques années plus tard, à Paris, il composait son premier roman : Pharamon ou les Folies romanesques. Des cinq romans de Marivaux, seuls les deux derniers sont de vrais et beaux romans. Mais si l'on peut tenir les autres pour des jeux ou des exercices, ils ne me semblent pas négligeables, d'abord parce qu'on y trouve çà et là l'esprit et déjà la "manière" de Marivaux, mais surtout parce qu'ils nous aident à comprendre comment il parvint à ses chefs-d'oeuvre", Marcel Arland.
Pour vaincre le mal, faites-vous plus méchant que lui. L'homme est un loup pour la femme. Derrière le sentiment cherchez l'intérêt, derrière les mots le calcul.
A moins qu'aux ambitions parentales et aux sombres raisons d'argent l'ingénuité, les tendres rêveries du coeur, l'aspiration à un monde plus doux et plus confiant ne fassent entendre raison.
Telle est la trajectoire parcourue par le théâtre des Lumières et dont Marivaux touche ici les deux extrêmes : la comique noirceur d'une société où, une fois les masques tombés, la morale est mise en de cruels embarras ; le mirage exquis de la vertu, du rire et du sentiment réconciliés.
Etrange terre que celle de l'île des esclaves où les rôles sont inversés entre maîtres et valets. En transformant le théâtre en une île utopique, Marivaux met en scène de nouveaux rapports sociaux, fragiles et ambigus, où se reflètent tous les paradoxes de la société des Lumières.