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Federico Tarragoni
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Aujourd'hui comme avant, l'émancipation suscite chez certains la méfiance. Le réflexe est bien connu : que ce soit dans le domaine du politique, de la famille, de la sexualité ou du travail, les processus d'émancipation conduisent, depuis l'avènement des sociétés modernes, à rompre avec un ordre, avec une tradition pourvoyeuse de sécurités et de confort, et à les remplacer par un saut dans l'incertain). Mais, notre actualité se singularise sur un point : à ce discours anti-émancipation s'en conjugue désormais un autre, qui vise au contraire à s'emparer du mot pour le détourner de son sens originaire. C'est ainsi que l'émancipation est devenue l'un des maîtres-mots des programmes de réformes néolibérales, que l'on trouve derrière l'éloge des émancipés de la start-up Nation, la nécessité pour chacun de « se prendre en main », de devenir l'entrepreneur de sa vie, de se responsabiliser face à ses échecs et d'assumer les risques de ses choix. Le danger existe donc que l'émancipation devienne le maître-mot du retournement de la démocratie contre elle-même, la clef-de-voûte de la novlangue exprimant la volonté de gouverner sans le peuple.
Dans cet essai brillant, le sociologue Federico Tarragoni, après être revenu aux origines latines du mot (l'emancipatio du mineur et de l'esclave) et à ses évolutions sémantiques (émanciper/s'émanciper) au cours des XVIIIe et XIXe siècles en particulier, tente d'arracher l'émancipation à l'oubli et au dévoiement, afin que le mot demeure la quintessence de l'humanité, qu'il continue à désigner ses aspirations vers un monde meilleur.
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Sociologies de l'individu
Federico Tarragoni
- La découverte
- Reperes Decouverte
- 4 Janvier 2018
- 9782707194657
Individualisation à tout-va ou dangers de l'individualisme ? L'individu, au coeur des pratiques sociales contemporaines, penche aussi bien du côté de l'autonomie que de la fragilité. Pour y voir plus clair, Federico Tarragoni confronte la tradition sociologique et les recherches contemporaines sur les processus d'individuation.
Individualisation des peines, des carrières, des soins, de la relation pédagogique, de la consommation ; nouvelles frontières de l'identité numérique ou biométrique ; menaces que l'individualisme ferait peser sur les sociétés d'aujourd'hui... L'individu est au coeur des pratiques sociales contemporaines.
A-t-on affaire cependant à un individu plus autonome ou plus fragile ? Quelles sont les tensions de la condition individuelle contemporaine ? Pouvons-nous tous accéder au statut valorisé d'individu libre et singulier, maître de lui-même et de son existence ?
Répondre à ces questions suppose de faire dialoguer la tradition sociologique - Tocqueville, Durkheim, Halbwachs, Weber, Simmel, Elias, Mead ou Goffman - et les recherches contemporaines sur les processus d'individuation. -
L'esprit démocratique du populisme
Federico Tarragoni
- La découverte
- L'Horizon Des Possibles
- 7 Novembre 2019
- 9782707197306
Et si la nature du populisme nous échappait encore ? L'actualité politique voit ce mot ressurgir régulièrement, mais, au-delà de sa charge polémique, que désigne-t-il exactement ? Depuis trente ans, les médias ressassent les mêmes poncifs : le populisme serait démagogique et autoritaire ; ni de droite ni de gauche, mais essentiellement xénophobe et nationaliste ; il menacerait nos démocraties, comme jadis le totalitarisme. Ce qu'il s'agit, au fond, de faire via cette instrumentalisation quotidienne, c'est de discréditer l'idée d'une démocratie alternative, hors des institutions établies, et de dénier au peuple une capacité propre à faire de la politique.
Il convient donc de reconstruire ce concept fourre-tout sur de nouvelles bases. De le débarrasser des jugements normatifs, de cartographier ses expériences historiques fondatrices et de le rapporter au contexte politique qui l'a vu émerger comme phénomène à part entière, l'Amérique latine. S'en dégage une découverte fondamentale : le populisme n'a rien à voir avec la démagogie, le nationalisme et le totalitarisme. C'est une idéologie, radicalement démocratique, de crise des démocraties représentatives libérales, qui possède ses propres logiques et contradictions internes.
L'enjeu de cette redéfinition est de taille : mieux comprendre les nouveaux conflits sociaux qui se saisissent de l'opposition peuple vs élite et sont en train de transformer profondément nos démocraties. -
Si l'on en croit de nombreuses analyses médiatiques, scientifiques ou profanes des révolutions en cours, du monde arabe à l'espace postsoviétique, de la Grèce à l'Espagne, en passant par l'Amérique latine, la révolution est terminée. Pire : si elle est terminée, c'est en fait qu'elle n'a jamais eu lieu. Ceux qui y ont cru, ceux qui continuent d'y croire, sont des dupes, victimes d'une propagande d'État.
L'objet de ce livre est de penser l'objet « révolution en cours », de construire son concept au ras de l'expérience, en rupture avec les approches sociologiques surplombantes. D'où un double parti pris : penser la révolution à partir des subjectivités qui s'y façonnent, dans un brouillage des identités sociales - c'est précisément ce brouillage qui explique l'incompréhension de la sociologie face à ce qui se joue dans des processus révolutionnaires ; ensuite, penser la révolution à partir non d'un exemple, mais d'un cas - celui du Venezuela contemporain. Un cas, dans la mesure où il est susceptible d'éclairer d'autres « révolutions en cours » et de rendre intelligible les rapports à soi, au politique et au temps qui s'élaborent dans ce type de processus.
L'ouvrage ne se veut ni un ouvrage théorique sur le concept de révolution, ni une étude sur le Venezuela. Il se situe dans un entre-deux pour tenter de repenser la place et le statut du concept de révolution et ainsi, de percer à jour « l'énigme révolutionnaire ».
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Sociologie du conflit
Sylvaine Bulle, Federico Tarragoni
- Armand Colin
- U Sociologie
- 20 Octobre 2021
- 9782200627270
Toute société est traversée par de multiples conflits, et c'est cette conflictualité irréductible qui permet aux sociétés de changer dans le temps. C'est ce que démontre ce livre, pionnier sur la question de la conflictualité sociale en France.
Son but est tout d'abord de délimiter un champ de recherches, qui ne se confond pas avec la sociologie de l'action collective, mais l'englobe par ses questionnements : comment et pourquoi des conflits sociaux naissent-ils dans une société donnée ? A-t-on affaire à des conflits structurellement différents entre les sociétés traditionnelles et les sociétés modernes, les sociétés industrielles et les sociétés post-industrielles ? Quels effets les conflits produisent-ils sur l'organisation sociale, sur les liens sociaux et sur les processus de socialisation ? Comment les analyser aux échelles « macro » et « micro » ? Comment objectiver leur contribution au changement social ?
L'ambition de ce manuel est aussi d'examiner la diversification extrême des conflits sociaux ultra-contemporains (de classe, de race, de genre, post-coloniaux, intersectionnels, urbains, au travail, dans les organisations, etc.), en distinguant plus particulièrement trois familles : les luttes autonomes, les luttes subalternes et les nouvelles luttes à l'heure de la crise climatique.
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Gasparin, un jeune sans-abri, ancien libraire, évolue au coeur d'un Paris crépusculaire dans un avenir plus ou moins lointain.
Il tente d'échapper à une dictature matriarcale fémonationaliste et écocidaire en gagnant la Cosmopole, mais pour cela, il lui faut déjouer la surveillance de l'état policier et pénétrer dans la zone A où vivent les exclu-es de la société...
En subvertissant les règles grammaticales, tout en alliant analyse sociologique, poésie et aventure, l'ouvrage met en lumière, par effet miroir, la domination des femmes par les hommes dans notre société. -
La subjectivation politique face à l'ordre social : Du concept à l'enquête
Isabelle Matamoros, Vincent Gay, Federico Tarragoni, Déborah Cohen
- Presse Universitaire de Rennes
- Le Sens Social
- 10 Juillet 2025
- 9782753598287
Comment devient-on sujet politique ? Comment ce processus s'alimente des conflits sociaux ? Comment les individus se transforment au gré de leur politisation ? Depuis une vingtaine d'années, les sciences sociales explorent ces questions d'un regard nouveau à l'aide du concept de subjectivation politique. Sociologues, anthropologues, historiens, politistes testent ce concept philosophique dans leurs terrains : des pratiques militantes, religieuses, éducatives, sexuelles, culturelles ou économiques. Ce livre en constitue la première synthèse scientifique. Il interroge les enquêtes et les sources, les méthodologies et les méthodes de recherche auxquelles ouvre l'analyse de la subjectivation politique. Celle-ci met en jeu une pluralité de processus de désidentification et de réidentification qui invalident la naturalité supposée du sujet (social, politique, racial, sexuel).
Les trajectoires de subjectivation politique évoquées au fil du livre concernent des parcours d'individus, de groupes, de collectifs situés en marge des normes dominantes. Qu'elles soient genrées, racisées, religieuses, économiques, militantes ou partisanes, les identités assignées ou revendiquées par ces individus sont minoritaires. En documentant empiriquement leur devenir sujet, les enquêtes réunies ici interrogent toute l'ambivalence des rapports de domination et les possibilités d'émancipation qui se jouent en leur sein. Ce faisant, elles déplacent le regard sur le politique : souvent réduit à sa dimension professionnelle ou institutionnelle, il est appréhendé de manière plus phénoménologique comme horizon de l'agir en commun. -
Le pouvoir d'être affecté : souffrances, résistances et émancipation
- Hermann
- Psychanalyse En Questions
- 29 Juillet 2022
- 9791037020062
Classiquement, dans l'histoire de la philosophie, les affects ont toujours été compris comme la part de l'involontaire dans l'existence humaine : le sujet les subirait dans une passivité totale. En croisant les regards contemporains de linguistes, sociologues, psychanalystes, philosophes et anthropologues, cet ouvrage entend changer cette approche simpliste et réductrice, notamment en proposant une généalogie de l'illusion d'indépendance du sujet vis-à-vis de ses affects.L'enjeu est de ressaisir au présent les trajectoires des affects. Car ceux-ci ne peuvent pas être appréhendés ni auscultés en faisant abstraction de l'environnement où ils émergent. C'est depuis un certain état des corps, du social, à partir de l'expérience contemporaine du travail, des mobilisations et des résistances et des actes de parole que l'on peut analyser et comprendre les courbures affectives d'un sujet, et c'est par là que ce sujet affecté peut apprendre à faire usage de toutes les ressources de son affectivité.
Avec les contributions de : Thamy Ayouch, Éric Bidaud, Emma Breton, Valérie Brunetière, Julien Chandelier, Patrick Cingolani, Catherine Cyssau, Octave Debary, Julie Alev Dilmaç, Anne Eon, Marie-Luce Gélard, Christian Godin, Élise Huchet, Laurie Laufer, Guillaume Le Blanc, Lucile Richard, Ouriel Rosenblum, Jan Spurk, Federico Tarragoni, Ayça Yilmaz Deniz. -
Les frontières de la citoyenneté
Collectif
- Presse Universitaire de Rennes
- Res Publica
- 11 Janvier 2024
- 9782753595545
Quelles sont les tensions et les contradictions qui bousculent les contours établis de la citoyenneté démocratique?? Telle est ici la question. Pour répondre, le livre examine les luttes façonnant l'histoire de la citoyenneté démocratique et, surtout, les paradoxes et dilemmes que ces histoires nous ont laissés en héritage. Il étudie les formes contemporaines de la « citoyenneté critique » où la contestation va de pair avec des aspirations très fortes au changement, soulevant la question de leur radicalité, de leur rapport à la démocratie et au « populisme ». Il analyse la place donnée à l'action par les mobilisations sociales dans différents contextes nationaux, ainsi que le lien entre démocratisation et citoyenneté « par le bas ».
Il contribue ainsi à appréhender la citoyenneté par ses marges en montrant comment elle s'y actualise, et en instruisant la question d'une démocratie « hors d'elle » où agir en « citoyen du monde » implique de prendre au sérieux l'inévitable part de conflictualité de la citoyenneté démocratique.
Avec le soutien de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP). -
Tracés n.44/2023 : États de crise
Jérôme Heurtaux, Rachel Renault, Federico Tarragoni
- Ens Lyon
- Traces
- 6 Décembre 2023
- 9791036207242
Comment une crise naît-elle, vit-elle, meurt-elle ? À ces questions classiques des sciences sociales, ce numéro de Tracés propose un pas de côté en interrogeant les " états de crise ", c'est-à-dire les procédures savantes et ordinaires par lesquelles une situation donnée, dans différents mondes sociaux, est qualifiée de " critique " et objectivée comme une crise. Réunissant des contributions de chercheurs en sciences humaines et sociales, des entretiens avec des reportrices de guerre et un diplomate et des traductions inédites d'auteurs et de militants politiques, il décompose le processus de qualification - un ensemble d'opérations épistémiques, pratiques et normatives - d'une configuration donnée en crise politique, qu'il aborde en articulant l'analyse des conjonctures critiques et l'histoire du concept de crise. Le dossier se structure autour de trois axes. Le premier a trait au concept de crise, à la manière dont il impose un rapport singulier à la temporalité, construit par différents champs de savoir (philosophie, arithmétique politique, économie, analyse politique) depuis l'Antiquité grecque. Le deuxième porte sur la façon dont le concept est réapproprié par les acteurs contemporains, par l'intermédiaire d'opérations de qualification spécifiques en lien avec l'expérience sociale. Le troisième concerne les modalités d'explication et de prévision singulières que la qualification de crise rend possibles dans différents mondes sociaux.
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REVUE TUMULTES n.53 : où va l'Italie ?
Tarragoni Federico
- Kime
- Revue Tumultes
- 18 Octobre 2019
- 9782841749515
Ce numéro porte sur l'actualité de la société italienne et, plus particulièrement, sur les raisons structurelles ayant conduit, après les élections du 4 mars 2018, à la formation d'une coalition de gouvernement inédite, guidée par des partis traditionnellement dans l'opposition : la Ligue, parti nationaliste d'extrême droite, et le Mouvement 5 étoiles qui, sans véritable ancrage idéologique, prône la réappropriation de la démocratie par les citoyens. Montée planétaire des populismes, inertie de la tradition fasciste nationale, dégringolade de la gauche social-démocrate, incapacité de la gauche radicale - la plus puissante d'Europe dans les années 1970, avec près d'un tiers de l'électorat acquis au PCI - à se reconstruire à l'ère du néolibéralisme : ces explications sont souvent évoquées.
Mais ce ne sont pas les seules. Des facteurs d'ordre socio-économique expliquent aussi le désenchantement massif suscité par les partis de centre-gauche et de centre-droit qui ont dominé la vie politique nationale depuis 1993 (la dite « seconde République »). Parmi ces facteurs, on compte : la précarité des jeunes et l'absence de perspectives d'avenir dans un pays où le chômage des 25-34 ans est de 17% et où les jeunes monopolisent les contrats précaires (3 millions) ; le gouffre croissant de la pauvreté absolue et relative, avec 20% de la population actuellement pauvre et 10% en risque de le devenir (soit un total de 6 millions de personnes) ; la hausse des inégalités sociales (les 10% des plus riches détenant 55% de la richesse nationale) et territoriales entre le Nord et le Mezzogiorno ; la banalisation d'un racisme visant les travailleurs immigrés, dans un contexte de crise migratoire européenne et de crise économique nationale. Des facteurs culturels peuvent aussi être invoqués, le principal d'entre eux restant la fracture historique et mémorielle entre le Nord et le Sud, qui explique, en grande partie, la carte électorale de 2018.