Sexe et race sont le produit d'un long processus de spécification et de naturalisation sociales propre aux relations de domination et d'appropriation. Et si construites qu'elles soient, ces deux notions n'en conservent pas moins une réalité sociale pour les personnes (de couleur, de sexe féminin) censées les incarner. Le concept d'appropriation est un élément essentiel apporté par Colette Guillaumin à la théorie des rapports entre les sexes, où le corps même des dominées (et pas seulement leur travail) est l'objet de la mainmise, comme ce fut le cas dans le servage de l'Ancien Régime, dans l'esclavage de plantation, et dans ce que Colette Guillaumin nomme, pour les femmes, le sexage: La parenté de l'institution esclavagiste avec le sexage réside dans l'appropriation sans limites de la force de travail, c'est-à-dire de l'individualité matérielle elle-même. Colette Guillaumin, sociologue au CNRS, membre du collectif Questions féministes et cofondatrice de la revue Le Genre humain a enseigné aux universités d'Ottawa et de Montréal. Elle a publié L'idéologie raciste. Genèse et langage actuel (1972) et de nombreux articles sur les formes idéologiques qui doublent les rapports de sexe et de race. Beaucoup d'entre eux ont été traduits ou directement publiés dans divers pays, notamment le recueil Racism, sexism, power and ideology. Sexe, race et pratique du pouvoir, ici réédité, rassemble des textes écrits dans les années 1970 et 1980.
Colette Guillaumin qui dès 1972, dans L'idéologie raciste, forgeait le terme racisé, définit dans les essais réunis ici un autre concept majeur, celui de sexage: comme le servage sous l'Ancien Régime, comme l'esclavage de plantation, le sexage est appropriation du travail et du corps des dominées - femmes, en l'occurence. Guillaumin a fait entrer dans le champ du savoir les théories produites par les groupes activistes féministes et antiracistes dits minoritaires, non parce qu'ils sont moins nombreux que le groupe des dominants, mais parce que leur pouvoir est moindre. Sa pensée, ses analyses nourrissent toujours les luttes d'émancipation. Réédité à maintes reprises depuis sa 1re parution (1992), ce recueil s'enrichit d'un texte publié la même année et toujours actuel, La confrontation des féministes en particulier face au racisme en général.