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«C'est très simple, je voudrais retrouver le moment où soudain Marguerite s'est arrêtée de me parler et que tout s'est suspendu. Nous étions assises l'une en face de l'autre, Marguerite Duras et moi, un après-midi d'automne, chez elle, rue Saint-Benoît numéro 5, je portais un gilet en grosse laine rouge et blanc et un petit foulard de soie léopard tacheté noir et blanc. À un moment, et c'est celui-là précisément que je voudrais retrouver, elle m'a fixée, légèrement absente, la beauté de son visage, ses yeux bleus et purs, son air unique et souverain de Marguerite D. Tu vois, j'étais exactement comme toi. Le même foulard, les mêmes couleurs, pareille.Entre nous, sur la table, des feuilles de papier, un magnéto, des stylos, et le livre ouvert : Emily L.J'étais venue pour qu'elle me parle d'elle.»
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«Mon livre est caché en ces fleurs. Dans leur ombre, et leur couleur étincelle. Il est là, souple comme un jasmin de nuit qui revient tous les étés, son parfum me frôle puis disparaît. Jamais ne me cogne. Entre les nervures, les pétales et le froissement de ses feuilles, il m'attend, je l'attends. L'attente est mon horizon, même si je sens son coeur battre plutôt dans les jours anciens, tout contre le mien, mais je m'en fiche, le passé c'est mon coeur tout de suite. Il n'y a plus ni passé ni futur, le présent palpite et tapisse tout, il devient le temps, il n'a pas de frontière, il est horizon.» Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir, disait Matisse. Colette Fellous, de son écriture alerte, rassemble ces Quelques fleurs qui l'ont accompagnée depuis l'enfance, celles qui disent autant la douceur et la beauté que la fragilité et la violence. Devenues les grands témoins silencieux de sa vie, elles font revivre la mémoire, les visages, les saisons et les lieux. On regarde les fleurs, mais elles aussi nous regardent.
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«Kyoto song a la forme d'un voyage qui contiendrait tous les voyages:un désir, une brûlure, un élan souverain, une quête, une danse. Et sur le chemin je voulais retrouver de manière aléatoire des scènes perdues ou, comme on dit à la radio, restées en l'air:tant que je serais vivante et que l'envie de marcher sans avoir peur me guiderait, je resterais à Kyoto, c'est en tout cas ce que j'avais décidé. De ce point du monde, je pourrais mieux revoir, rectifier et approfondir tous ces moments furtifs qui m'avaient forgée depuis l'enfance et que je n'avais pas assez bien racontés. Mais je ne suis pas venue seule au Japon, une petite fille m'accompagne, elle a dix ans. C'est elle qui m'a poussée à être là. Elle dit toujours que son chiffre magique est le 5 mais elle ne sait pas comment l'expliquer, régulièrement elle lance des choses comme ça, et moi je la crois.» Colette Fellous.
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«C'est le roman d'un jour. Le roman d'un siècle, mesuré à un jour. Qui veut s'approcher des mariages, des fêtes, des naissances, des ruptures, des glissements politiques, des guerres, des langues oubliées, de la musique dans les maisons, des malentendus, des illusions, des taches de soleil, du battement des secondes, des scènes sans importance, d'un baiser dans l'après-midi, d'un corps qui tombe. Il veut caresser les échos et les répétitions d'un geste ou d'un prénom dans des familles qui ne se connaissent pas. C'est un roman qui nomme les carrefours, les angles, les croisements, les couloirs, les grilles d'immeubles, les escaliers, les portes cochères, les minuscules canaux, tout ce qui trace le coeur d'une ville. C'est un roman qui a six ans au début de la phrase et quatre-vingt-deux au bout de la ligne. Le ciel est rose, il fera chaud demain, les étourneaux se faufilent dans les ficus de l'Avenue, les hommes sont assis au fond des cafés, ils n'ont pas bougé depuis cent ans. C'est l'Avenue de France, à Tunis, en 1885, mais c'est aussi Paris, Place de la Nation, en 2001.»
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« J'ai un secret. Je sais qu'il est resté caché dans l'été, mais où, quand, pourquoi, lequel ? Je bute sur lui trop souvent, je voudrais comprendre, retrouver, revenir, tout est passé trop vite. Le ciel est absolument blanc dans ma tête, et je crois que je dois repeindre ma vie à la chaux, comme après l'hiver, pour mieux voir les couleurs. Battre les cartes, couper, distribuer et commencer à jouer. Regarder dans les coins, derrière les choses, entre les feuilles, avec cette unique règle que je voudrais maintenant me donner : courir dans tous les étés de ma vie, jusqu'à retrouver ce que j'ai caché. » C'est sous le signe des Joueurs de cartes de Cézanne et d'une danse entre la mémoire et l'oubli que Colette Fellous invente à la fois une forme romanesque et son propre jeu, qu'elle appelle « la mémoire aimantée ». Une mémoire qui ne cherche pas à réveiller le passé mais à magnétiser le présent. Des gens, des lieux, des images, des odeurs surgissent, comme des indices, elle fait le voyage, elle marche sur le petit territoire de sa mémoire, mais la scène reste inatteignable. Apparaissent alors des paysages de tous les points du monde, mais surtout de la Tunisie natale. Une foule de personnages s'invite dans le roman, amis, amants, stars de cinéma, enfants, bêtes, carreaux de mosaïques, fenêtres, labyrinthes de buis. Avec, au centre, la figure du père et celle de la mère qui, à la fin du roman, meurt en disant son amour à sa fille. Mais de Carthage à la Villa Busini en Toscane, ce qui revient avant tout, c'est une célébration de l'été et une gourmandise de vivre, comme cette scène où des petites filles tunisiennes, à l'heure de la sieste, dans une villa de La Marsa, se mettent toutes nues pour jouer à l'amour. Par la grâce de cette « mémoire aimantée », Colette Fellous rassemble ici avec bonheur tous les thèmes qui lui sont chers.
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«Ce sont des jours que je voudrais inviter aujourd'hui dans ce roman. Ils sont restés accrochés dans les branches, parmi les autres. Je sais qu'à chaque fois que quelqu'un naît, à la seconde même, tous les jours qu'il vivra viennent se présenter à lui. Ils guettent sa respiration, ils l'honorent, lui souhaitent la bienvenue. Ils restent un moment à voleter dans la chambre, et fouaf, ils disparaissent, dans un bruissement de papillons. Et très lentement, heure par heure, ils reviennent, l'un après l'autre, comme s'ils étaient des étrangers, comme s'ils étaient tout neufs. Je voudrais à mon tour les honorer, entrez, entrez, il y a encore de la place, je vous reconnais. Ces jours portent en eux la même interrogation, le même scénario inexpliqué. Quelque chose d'un arrachement, d'une absence mais aussi d'une vraie joie d'exister. Et si je les reconnais si vite, c'est qu'ils me poursuivent, ne me laissent jamais en paix, ils se cachent dans ma voix et dans mes nuits. Leur agencement ne relève que du hasard, du jeu, de l'aléatoire, du plaisir.» Colette Fellous.
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Dans la nuit qui suit l'attentat sur la plage de Sousse le 26 juin 2015, une femme écrit, face à la mer de Sidi-Bou-Saïd : «Il faut que je raconte avant demain, que je témoigne, très vite, ce livre sera mon nocturne, puis je rendrai les clefs, je partirai.» «Cette femme, je la reconnais, c'est moi. Moi dans ce livre qui veut raconter l'histoire de ce père né et mort au XXe siècle, et l'histoire de ce monde d'ici, de ce village de Tunisie que je vais devoir abandonner, dans cette année 2015, année terrifiante, sans répit, aux couleurs nouvelles du XXIe siècle. Maintenant qu'ils sont morts, je me dis que je ne pourrai les consoler qu'en écrivant. En sachant malgré tout que je ne rattraperai rien : à mon tour je dois partir, quitter ceux que j'aime, peut-être ne plus revenir, je ne sais pas encore.» À l'annonce de la mort brutale d'Alain, un ami proche, en pleine mer, ressurgit celle du père, en écho. Tous deux ont été atteints au coeur. C'est toujours le coeur qui est attaqué, celui des êtres aimés, celui d'un pays devenu si fragile, celui des exilés. Colette Fellous poursuit ici son exploration des temps et des lieux, en superposant librement passé et présent, Tunisie et Normandie, visages et musiques, pour dire son attachement au monde et à tous ces êtres rencontrés, proches ou parfois plus lointains. Une déclaration d'amour, de celle qui s'en va.
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« Georgy, c'est le nom de mon frère. Le troisième, né trois ans après André, cinq ans après Claude et trois ans avant Pierrot. Il est cousu au centre de mon coeur et je l'ai déjà fait apparaître dans d'autres livres. Mais il ne me manque plus, j'écris même pour me débarrasser de sa présence, lui que j'ai aimé avec tant d'ardeur. Je veux dire que je sens son visage s'estomper en moi depuis quelques années. Et maintenant, dans ce village d'Orient où j'ai failli mourir, voilà qu'il revient en me frôlant la joue et en me demandant d'être claire dès le début. J'aime l'odeur de tes lèvres, il disait. Mais tu n'es pas mon amoureux pour me dire des choses pareilles, je lui répondais en riant. Je me suis piégée moi-même à ce jeu de la mémoire aimantée et suis obligée d'accueillir les jours et les saisons qui se présenteront ici. » Une sandale qui se prend dans un rail. Colette tombe. Le train de Tunis arrive. À la dernière seconde, elle parvient à ramper hors de la voie. Elle s'était crue morte.
Cette forte émotion déclenche un tourbillon d'images, de souvenirs. C'est un vertige qui fait danser les lieux, les moments, les mots, les voix. En particulier, Colette revit et nous fait revivre les années 1967-1968, les hôtels, les chambres de bonnes, la Sorbonne, les petits métiers, le Festival d'Avignon. Paris, ses cafés, ses restos, ses cinémas de la rive gauche.
Mais la figure dominante est celle de son frère Georgy, diabétique dès l'enfance et qui mourut à vingt-sept ans. Colette éprouve un immense amour pour lui, à cause de sa fragilité. « J'acceptais qu'il soit mon maître ». Jusqu'au jour où elle comprend qu'il est son mauvais génie. « Il aura été mon initiateur diabolique. [...] J'aurais accepté de me vendre pour lui plaire et s'il avait vécu plus longtemps, il m'aurait poussée à le faire, il avait déjà essayé plusieurs fois, je n'aurais pas pu refuser. » On retrouve ici Colette Fellous telle que le lecteur l'a aimée dans ses récits précédents, plus une nouvelle dimension, proche du tragique.
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«Chaque maison garde sa part d'invisible, aurait dit ma mère. Qui échappe, qui fuit sous les doigts et sous les plis de la mémoire. Seule l'odeur reste identique. On pousse la porte, on retrouve l'odeur. L'odeur et le temps. Ce temps très singulier qui ne se décline plus en années ni en secondes. Qui marche autrement. Il est presque immobile, intact. Il se tient avec grande élégance, il ne se mêle pas à nos balbutiements. Et pourtant, toujours fidèle. C'est avec lui qu'on a signé le pacte. On entre dans la maison, on le reconnaît immédiatement, on le touche, on sait qu'il n'a jamais quitté notre corps. Il ne compte pas les vies et les morts comme nous, gens du dehors, non, il garde les choses entières, comme elles sont apparues le premier jour. Sculptées pour toujours. La maison reste infinie, rouge sang.»Colette Fellous.
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Colette Fellous a été l'élève de Roland Barthes, d'abord dans son « séminaire restreint » de la rue de Tournon, puis au Collège de France. Un jour de 1975, il lui a déclaré : « Vous avez le droit de dire je. » Ce mot et l'idée que Barthes se faisait d'un roman en sachant qu'il ne l'écrirait jamais lui donnent la liberté de composer ce livre.
Un livre fait de réminiscences, de choses vues, d'aveux personnels, d'illuminations : ainsi, autrefois, à Tunis, sur la plage, le parasol voisin abrite une femme et son fils, maîtresse et enfant secrets du père de Colette. Ou encore l'étrange et longue histoire de Sam, Américain rencontré à Paris, qui lui offre le voyage à Washington et l'installe chez lui (sa femme et ses enfants sont dans la maison voisine), mais Colette prend peur et s'enfuit. Quarante ans plus tard, ils reprennent leur amitié, à coups de textos.
L'évocation de Barthes et de son rêve de roman revient souvent, mais aussi la Tunisie, à la fois pour son passé et les convulsions politiques présentes, la mort de la mère et les surprenantes confidences amoureuses de cette femme, la naissance d'une fille, la vie à Montmartre ou dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, un voyage en URSS au temps du communisme, Antoine Vitez et Aragon, Merce Cunningham, et maints drames, accidents, faits-divers qui se présentent au hasard de la vie.
C'est un livre qui touchera tous ceux qui connaissent et qui aiment l'oeuvre de Colette Fellous.
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Venise. À la terrasse d'un petit bar de la via Garibaldi, elle décide d'écrire. C'est la même lettre qu'elle leur adresse à tous les trois. L'encre noire pour Joseph, l'encre violette pour Théo et la turquoise pour Gregor. Un improbable rendez-vous qu'elle leur fixe le même jour, au même endroit.Elle vit «dans la distraction». Le passé, les lieux, les hommes apparaissent par bouffées. Ils se mêlent, se superposent, disparaissent. Comme s'il y avait un trou dans le temps.«Amor, elle les appelle. L'un ne va pas sans l'autre. Mais aucun d'entre eux ne le sait. Ils sont la même personne, leurs visages se confondent dans les branches. Ils ont le même corps, la même odeur, le même sexe. Cela non plus, ils ne le savent pas. Elle regarde la lagune, la forme de l'air, la matière du temps. Elle n'est plus pressée. Elle dit qu'ici, c'est son point d'arrivée.»Mais qui est Amor? Seule Venise, guidée par la silhouette de Fortune dansant en plein ciel, au bout de la Dogana, pourra répondre.
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La narratrice a quarante minutes pour tout raconter. Sa vie et celle des autres. Elle souffrait de migraines. On soumet son cerveau à une machine : l'imagerie à résonance magnétique. Le livre, c'est son monologue chuchoté tandis qu'elle est à l'intérieur de cette machine aimantée.Il y a des lieux d'abord : la Gascogne, la Toscane, et ce qu'elle appelle Babylone, l'Orient perdu. Des personnages aussi, comme Christopher, le paludier des Landes, un peu gangster. Tom et une jeune fille rousse, à Colle Val d'Elsa. La mort de la mère. Le souvenir du père, avec ses autos toujours en panne. Les destins se croisent. Des correspondances apparaissent. À sept ans de distance, deux sourires se ressemblent.Un des secrets et des charmes de ce roman, c'est que la machine magnétique, qui cherche à capter les reflets d'une vie, ne saura jamais tout. Le coeur gardera toujours sa part de mystère.
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Grand format 10.70 €
Indisponible