Les Lumières sont souvent invoquées dans l'espace public comme un combat contre l'obscurantisme, combat qu'il s'agirait seulement de réactualiser. Des lectures, totalisantes et souvent caricaturales, les associent au culte du Progrès, au libéralisme politique et à un universalisme désincarné.
Or, comme le montre ici Antoine Lilti, les Lumières n'ont pas proposé une doctrine philosophique cohérente ou un projet politique commun. En confrontant des auteurs emblématiques et d'autres moins connus, il propose de rendre aux Lumières leur complexité historique et de repenser ce que nous leur devons : un ensemble de questions et de problèmes, bien plus qu'un prêt-à-penser rassurant.
Les Lumières apparaissent dès lors comme une réponse collective au surgissement de la modernité, dont les ambivalences forment aujourd'hui encore notre horizon.
Les stars sont aujourd'hui omniprésentes : elles peuplent nos villes, nos écrans et nos imaginaires. La culture de la célébrité semble être un trait incontournable de nos sociétés médiatiques, une conséquence de la société du spectacle et de la culture de masse. L'Invention de la célébrité montre que les mécanismes de la célébrité se sont développés dès le XVIIIe siècle en Europe, avant de s'épanouir à l'époque romantique, sur les deux rives de l'Atlantique. Antoine Lilti place au coeur de la réflexion le paradoxe d'une célébrité recherchée mais dénoncée de toute part.
Bien avant le cinéma, la presse à scandale et la télévision, les mécanismes de la célébrité se sont développés dans l'Europe des Lumières, puis épanouis à l'époque romantique. Voltaire ou Liszt furent de véritables stars, suscitant la curiosité et l'attachement passionné de leurs « fans ». La politique n'échappa pas à ce bouleversement culturel : Marie-Antoinette ou Napoléon en furent les témoins. Lorsque le peuple surgit sur la scène révolutionnaire, il ne suffit plus d'être légitime, il importe désormais d'être populaire.
À travers cette histoire de la célébrité, Antoine Lilti retrace les profondes mutations de la société des Lumières et révèle les ambivalences de l'espace public. À la fois désirée et dénoncée, la célébrité apparaît comme la forme moderne du prestige personnel, adaptée aux sociétés démocratiques et médiatiques, comme la gloire était celle des sociétés aristocratiques. L'histoire de cette notion éclaire les fascinantes contradictions de notre modernité.
Ilest banal de dire que le XVIII siècle a vu se déplacer la vie sociale de la Cour vers la Ville, de Versailles vers Paris. Mais il ne suffit pas d'énumérer des anecdotes prenant pour cadre les salons de Mmc du Deffand et de Mmc Geoffrin, et de citer les écrivains ou les artistes qui les ont fréquentés. Ce qu'il faut comprendre, c'est la signification historique d'une forme de sociabilité. Ce livre offre, pour la première fois, une véritable histoire sociale et culturelle des salons parisiens du XVIII siècle, et permet de réviser de nombreuses idées reçues. Ces salons n'étaient pas, comme on le dit trop souvent, des lieux de discussion critique permettant de diffuser largement les idées des Lumières, mais bien plutôt les centres de la sociabilité mondaine, dévolus aux plaisirs de la table et du mot d'esprit, au théâtre de société comme aux intrigues politiques. C'est dans les salons que se recomposent les identités aristocratiques, que se forment les réputations littéraires et politiques, et que se prépare l'accès à la Cour. Le loisir lettré et les pratiques culturelles des salons deviennent alors un élément essentiel de la distinction aristocratique et de l'imaginaire national, tandis que de nombreux écrivains des Lumières adhèrent aux pratiques et aux idéaux des élites parisiennes et de la noblesse de Cour.
Historique de la célébrité et de ses mécanismes durant les XVIIIe et XIXe siècles.
Depuis le début des années 1980, la multiplication des débats historiographiques a progressivement vu la remise en cause d'un ensemble de convictions scientifiques fortes. La réflexion des historiens s'est d'abord éloignée des certitudes de l'histoire sociale sérielle pour notamment se confronter aux propositions de la microstoria.
Plus récemment, le rôle croissant des histoires et des historiographies non euro- péennes a transformé le domaine de la recherche historique. Enfin, l'écriture de l'histoire et ses ressources narratives sont de nouveau au centre de l'attention.
Jacques Revel, historien, est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales dont il a été le président de 1995 à 2004. Il a notamment publié Jeux d'échelles (Hautes Études/EHESS, 1995) et Penser par cas avec Jean-Claude Passeron (EHESS, 2006). Ce volume rend hommage à l'influence de son travail, en proposant des études libres sur ce qui fonde le quotidien du métier d'historien.