Un instant, dans le jardin, Meaulnes se pencha sur la branlante barrière de bois qui entourait le vivier; vers les bords il restait un peu de glace mince et plissée comme une écume. Il s'aperçut lui-même reflété dans l'eau, comme incliné sur le ciel, dans son costume d'étudiant romantique. Et il crut voir un autre Meaulnes; non plus l'écolier qui s'était évadé dans une carriole de paysan, mais un être charmant et romanesque, au milieu d'un beau livre de prix...
Alain-Fournier
Les poèmes et les nouvelles d'Alain-Fournier furent publiés après sa mort, en 1924, par les soins de sa soeur Isabelle et de son beau-frère Jacques Rivière.
Nous donnons ici un simple recueil de ces textes, sans préface ni commentaire, pour le seul plaisir de les posséder et de les relire dans une édition qui marque à la fois le centenaire de la naissance d'Alain-Fournier et le 62e anniversaire de leur première parution.
La correspondance d'Henri Fournier avec sa famille comporte environ deux cents lettres et cartes postales. Elles furent écrites au cours de ses longues absences de la maison: pensionnats, service et périodes militaires, voyages. A la centaine, déjà publiée, nous avons ajouté celles de sa soeur Isabelle Rivière, depuis le temps où elle était pensionnaire à Moulins jusqu'aux cartes de guerre dont la dernière fut envoyée au front trois jours après la mort de son frère.Si la correspondance avec Jacques Rivière est l'une des plus passionnantes de ce siècle, et si celle de Bichet compte quelques-unes des plus belles pages de Fournier, les Lettres à sa famille contiennent pour leur part des traits de poésie, d'humour et de pensée qui en font une lecture captivante. On y découvre l'auteur du Grand Meaulnes plus familier, plus proche et rempli de tendresse pour ceux qui l'aiment, et qui ne le comprennent guère. Seule sa soeur est vraiment sa confidente: c'est pourquoi il nous a paru important de joindre les réponses d'Isabelle qui achèvent le dialogue et lui donnent toute sa dimension littéraire.Depuis la première parution de cette correspondance, plus de soixante-dix lettres d'Alain-Fournier à quelques autres encore éparses ici ou là, dont quelques-unes connues et fréquemment citées, mais dont le plus grand nombre étaient encore totalement inédites, ont été découvertes. Tel est le bilan de plus de vingt ans de ventes ou de dons généreux qui viennent compléter ce que nous savions déjà pour l'essentiel, mais qui apportent aujourd'hui bien des traits à sa physionomie ou aux circonstances exactes de sa vie, des années 1911 à 1914.
"Il y aurait toute une étude, presque un roman à écrire sur les relations de Fournier avec Péguy." Jacques Rivière: Introduction à Miracles.
Il ne s'agit pas de faire des relations entre Péguy et Fournier l'essentiel de leur vie de 1910 à 1914. Mais nous croyons qu'elles ont joué un rôle capital dans l'évolution de leur pensée et de leur oeuvre, que cette amitié est née et s'est développée dans des moments où bien des choses, bien des êtres se bousculaient dans leur existence. Il nous semble qu'elle les a aidés à mettre au clair telle de leurs démarches, à mettre au net tel aspect de leur oeuvre.
Aujourd'hui qu'il ne reste plus aucun protagoniste de la vive querelle qui opposa longtemps la soeur d'Alain-Fournier à sa maîtresse, Madame Simone, leurs héritiers se sont rejoints dans la plus parfaite harmonie de pensée et de coeur pour publier ces lettres d'amour, restées jusqu'à présent inédites.Malgré les lacunes de cette correspondance, dues à l'érosion du temps et peut-être à la passion des collectionneurs, les héritiers espèrent que ces lettres, présentées et annotées par l'un de nos meilleurs érudits de la période d'avant 1914, Claude Sicard, seront reçues par le lecteur comme l'ultime témoignage d'un souci de vérité et d'objectivité qui ne s'est jamais démenti depuis plus de soixante-dix ans.Sans que le mythe du Grand Meaulnes en souffre, son auteur n'en apparaîtra que plus humain d'avoir connu la réalité d'une passion dévorante après avoir tourné la page de son adolescence: La nuit du Sacre, écrit Alain-Fournier, j'ai vu qu'une chose était finie dans ma vie et qu'une autre commençait, admirable, plus belle que tout, mais terrible, et peut-être mortelle...Alain RivièreColette Pennin-Stieglitz